UNE ÉPOQUE UNIQUE
Témoignage de confinement /33
par Clotilde, de base 4 en survie
L’annonce du confinement ne m’a pas surprise ni inquiétée, je m’y suis adaptée sans difficulté; je me suis sentie très privilégiée, et donc un peu coupable de le vivre si bien. Le fait de ne rien faire pour la collectivité m’a gênée et puis que faire? Bien sûr, j’applaudis le soir à 20 h mais cela me semble si dérisoire…
J’oscille souvent entre le positif et le négatif. Je crois fermement que les relations humaines vont changer en mieux , que les égoïsmes vont diminuer, que l’être humain va prendre encore plus conscience de sa responsabilité dans le fonctionnement du monde. Et voici une image qui m’apparaît: au niveau mondial , nous sommes tous sur un quai de gare. L’arrêt a été obligatoire, nous avons dû descendre de notre train TGV; et ce quai de gare – ce confinement – nous oblige à réfléchir sur la direction à prendre: vais-je reprendre mon rythme en sautant dans le premier TGV venu, ou bien vais-je préférer un TER pour une introspection et pour conduire ma vie autrement? Mes pensées vont aussi surtout vers les souffrances humaines: particulièrement les enfants maltraités, les violences conjugales, les sans-abris et tous les trafics qui continuent dans l’ombre avec des personnes encore plus en danger: prostitution, drogues… Ce mal fait tellement aussi partie de l’homme.
Je suis consciente que je me protège en créant une bulle de bien-être. Avec ce confinement, j’ai très vite repéré l’opportunité de pouvoir m’adonner au plaisir de jardiner, trifouiller la terre, désherber… en fait surtout d’embellir le jardin. Comble de chance: le soleil est déjà bien généreux dans le Sud! Donc régal des yeux et des couleurs, je passe du temps à regarder toutes les variétés de vert dans la nature; des roses avec leurs teintes si délicates… et j’ai plaisir à faire de belles photos, de beaux bouquets et à les transmettre aux proches: cultiver le beau c’est essentiel! Partager pour faire plaisir et embellir aussi leur journée m’importe aussi.
Je me régale de silence, il me nourrit et me permet de rêver et de ressentir plus profondément mes émotions. Le silence est une grande composante du beau . J’en profite – avec mon mari – pour écouter nos disques de musique classique, cela apporte aussi de l’apaisement, de la sérénité; nous ne prenions pas le temps de les écouter, je sens qu’il y a un créneau à développer dans ce domaine.
Je ne suis pas que contemplative, loin de là. J’aime et j’ai besoin d’action aussi, mon mari aussi. Nous avons toujours beaucoup voyagé et son métier de pilote long-courrier nous a grandement facilité ces évasions. Le confinement est double pour lui comme pour moi, car il a pris sa retraite il y a tout juste deux mois… Nous voici donc confrontés à l’enfermement et au face-à-face quotidien. Comme si on nous avait coupé les ailes de notre soif de découvertes du monde. Nous avons eu besoin d’un temps d’adaptation mais globalement nous vivons bien cet arrêt forcé.
Je ressens que mon besoin d’être seule (une aile 5 bien présente) n’est pas toujours comblé. Mes temps de prières et d’intériorisation ont leur place, particulièrement en cette période de Pâques; les messages et homélies de François me rejoignent car c’est un Pape avec un accès simple, humain et très incarné dans notre époque.
Dans ma partie active, je fais beaucoup de rangements en tout genre, bien sûr pour faire de la place, mais surtout pour élaguer la maison car cela m’apporte aussi de la liberté intérieure, me permet de me détacher de choses qui n’ont plus de sens aujourd’hui.
A 60 ans , je ressens aussi le besoin d’être plus dans l’essentiel, de me recentrer sur mes proches, mes frères et sœurs, sur les personnes qui comptent vraiment pour moi car la vie file (trop) vite et que certains sont décédés prématurément; le sentiment de ne pas leur avoir assez montré mon attachement est là aussi; la fragilité de la vie en fait aussi toute sa force (en l’écrivant les larmes me montent aux yeux et cela me fait du bien! Ah cette base 4…
Mon besoin de relations authentiques m’incitent à téléphoner plus, à prendre plus de nouvelles… pour consolider les liens mais je constate amèrement que ce n’est pas aussi fort chez les autres, et que le téléphone sonne bien moins que je le souhaiterais (cette crainte de l’abandon?) ce qui remplirait un peu plus ma soif de relations waouah…
Mon sous-type survie se plaît bien dans ce confinement: repas équilibrés, variés, plaisir de cuisiner, de bien manger, de faire une belle table. Plaisir d’une maison rangée, esthétique, accueillante – même si personne ne rentre. Les temps de lecture sont bien présents et cela me nourrit aussi. Je ne m’ennuie pas; je me nourris de tout ce qui est à ma portée: lecture, échanges avec Alain, émissions hors virus, musiques, jeux et nature…
Je suis rassurée de constater que nos enfants respectent les consignes de sécurité tout en étant créatifs dans leurs confinement et je veux croire qu’ils sauront créer une vie plus tournée vers l’humain et toutes ses richesses et moins obnubilée sur le rendement à tout prix.