TOUT AVAIT BIEN COMMENCÉ !
Témoignage de confinement /17
par Dominique, base 4 en social
Tout avait bien commencé !
Le tragique était au rendez-vous charriant sa dose d’émotions assurée. Des infos non-stop, la concorde nationale. Des appels réguliers tendres et protecteurs. Les enfants, les amis, tous confinés, tous immanquablement joignables enfin. Joie!
L’éternel et inconfortable tiraillement entre mon type 4 aile 5 (individualiste et volontiers solitaire) et mon sous-type social (soucieux de ne faire défaut à personne) n’avait plus lieu d’être, puisque je n’avais plus le choix. J’étais confinée, j’étais comme tout le monde, et donc à ma place assurément.
La beauté était là tout autour de moi, le printemps nullement décevant. Les pierres de tuffeau, ces écrins de lumière, dormaient dans le calme des rivières de l’Anjou. Les promenades solitaires auguraient d’une vie intérieure augmentée, densifiée. Je ne ressentais aucune nostalgie de la ville, de ses restaurants et de ses spectacles puisque, mes amis n’y étant plus, je ne manquais donc pas au monde et le monde ne me manquait pas.
Il ne s’agissait plus que de respirer, de contempler et de remercier…
Comble du luxe, hébergeant un ami prêtre confiné chez nous, nous avions la possibilité d’assister à la messe tous les jours quand tant d’autres en étaient privés, même le dimanche. J’allais grandir assurément…
Oh je n’étais pas tout à fait dupe de moi-même: mon portable était toujours à portée de main et dès 18 heures, quand les débats se faisaient vifs, que la castagne reprenait ses droits, la télé à fond m’assurait l’intensité émotionnelle dont j’avais besoin pour compenser la monotonie de la préparation des repas. Et malgré le sinistre visiteur du soir et son chapelet de mauvaises nouvelles, pour être honnête, j’y trouvais mon compte. Et puis la bonne conscience était de mise puisque travaillant pour un mensuel d’informations il fallait bien que je m’informe…
Mais les nuits! Quelle épouvante que ces nuits. Plus de répit, plus de bonne conscience et encore moins de paix. Un boucan incessant. Mozart et Montherlant se donnent rendez-vous à mon chevet; mille statues du commandeur semblent me siffler : « En prison ! En prison pour médiocrité! » Peloton d’exécution, guillotine, je suis coupable de désertion, jugée pour haute trahison. Sentiment de culpabilité… Où est ma faute? Où ai-je failli? Quand ai-je manqué au monde?
Allez, allez, réveille-toi ma grande et debout! Il est trop tard pour t’improviser infirmière ou boulangère, trop tard pour rejoindre les rangs des braves, des vaillants, de ceux qui ne manquent jamais au monde. Debout, reprends ta place de confinée.
Respire, contemple, et souviens-toi de remercier!