Simon Pierre et la base 6

SIMON PIERRE
Un archétype de la base 6 en social*
par Pascal

Les larmes de Saint Pierre, Le Greco

L’histoire de Simon Pierre pourrait être celle d’une personne de base 6 qui accepte de grandir au contact d’un plus grand que lui. Monseigneur Rémi de Roo dans son livre, Bible et Ennéagramme en dresse un portrait en ce sens. Pierre est lui-même une figure d’autorité: « Soyez soumis à cause du Seigneur, à toute institution humaine: soit au roi comme souverain, soit au gouverneur comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. » 1P 2,13. Le groupe est le lieu privilégié du sous-type social: Pierre deviendra chef de l’Eglise et se révèle au sein de l’assemblée des disciples. Les quatre évangiles témoignent de son statut d’autorité lorsqu’il déclare que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes (Mat 16,16; Mc 8, 29. Luc 9, 20. Jn 6, 69). Son importance est à nouveau mise en valeur lorsqu’il assure le rôle de guide des apôtres après la résurrection de Jésus: « Repentez-vous et que chacun se fasse baptiser pour la rémission de ses péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » Actes 2.38

Plusieurs textes ou situations permettent de découvrir la force intérieure, les motivations, les paroles encore plus que les actes révélant sa personnalité. Ainsi, lors de l’épisode de la pêche miraculeuse (Luc 5, 4 à 11) est l’occasion de mettre le couple doute/suspicion, peur/courage en exergue. Le dialogue entre Simon et Jésus est révélateur: dès le début de la péricope, nous voyons un Simon qui exprime une suspicion lorsqu’il entend l’ordre de Jésus: « Maître nous avons péché toute la nuit sans rien prendre »; comme une manière de dire: voudrais-tu m’apprendre mon métier? Pierre exprimera plus tard ce genre de suspicion quand il suspectera l’identité de celui qui marche sur les eaux du lac de Galilée: « Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir sur les eaux. » (Mt 14, 28). Jésus sait à qui il avait affaire: il sait que la foi de Pierre a besoin d’être soutenue. Il répond à son besoin et lui ordonne: « Viens ». Jésus s’était pourtant identifié en s’approchant du bateau: « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur. » (Mt 14, 27). Mais cela n’a pas suffi: Simon Pierre doute, cette attitude ressemble à celle de Thomas (possiblement de base 6 également) qui cherche des garanties au soir de Pâques.

Mais Simon Pierre est aussi capable de confiance: il dit avant la pêche miraculeuse: « Sur ton ordre, je jetterai les filets. » (Luc 5, 5)… et un peu plus tard, il va dire: « A qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6, 68) Tout au long de sa formation de disciple, Simon va osciller entre le doute et la confiance: elle va lui permettre de passer de la peur au courage. C’est le courage de celui qui aime, qui accepte de faire face aux difficultés, aux risques, à cause de l’amour car en effet, « l’amour parfait bannit la crainte ».1 Jn 4, 18

Dans la découverte de sa nouvelle identité (l’évangile de Jean aime l’appeler Simon Pierre) et tout au long de son cheminement avec Jésus, Pierre exprimera beaucoup de questions. Ne s’agit-il pas ici de la manifestation d’une aile 5? En tous cas d’un centre mental privilégié: vouloir savoir, connaître, avoir des informations, être curieux: « Eh bien nous avons tout laissé et nous t’avons suivi: qu’en sera-t-il de nous? » (Mt 19, 27). Nous pouvons comprendre ces questions comme celles de quelqu’un qui veut récolter des informations pour diminuer ses peurs, son inquiétude face à un avenir qui lui semble imprévisible et périlleux. Par ces questions, finalement, Simon Pierre cherche à découvrir si celui qu’il suit est digne de confiance, si son projet tient la route, si cela c’est du solide.

Le récit de la didrachme, de l’impôt à payer au temple (Mt 17, 24 à 27) révèle deux aspects intéressants de la personnalité de Pierre: la projection et le respect de la loi. Au début du texte, Simon Pierre répond à une question qui ne le concerne pas, elle concerne son maître. En répondant à la place de Jésus, Simon Pierre est victime d’un automatisme typique de la base 6: la projection. Pour Pierre, Jésus doit payer l’impôt du temple, c’est quelque chose d’évident, c’est la meilleure façon d’éviter les problèmes, d’être un bon citoyen. Plus tard, à Gethsémané, au moment de l’arrestation de Jésus, Pierre est à nouveau confronté à ses vieux démons de la peur. Il réagit de deux façons: en quête d’approbation, il risque de faire et dire tout ce qui pourrait lui permettre de nouer une amitié ou de la sympathie: le meilleur moyen de déminer d’éventuelles hostilités. D’abord, il veut exorciser sa peur par la violence (Jn 18, 11). De fait, il la nie dans un premier temps en frappant l’agresseur de Jésus par l’épée (Malchus). Mais au moment où ce moyen lui est interdit par Jésus, la peur se révèle et Simon Pierre s’enfuit avec tous les disciples. Dès l’instant où le premier moyen pour dominer sa peur n’est plus possible, il ne lui reste plus que la seconde, la fuite. Ces deux attitudes sont connues en base 6 comme les versants contrephobique et phobique d’un même moteur intérieur: la peur.

Néanmoins, nous voyons Pierre suivre Jésus au prétoire: il est profondément humain, tiraillé entre sa loyauté envers Jésus et la peur d’être aussi arrêté. Pierre n’a-t-il pas fait preuve de fanfaronnade, de vantardise (flèche 3?) en affirmant qu’il ne trahirait jamais Jésus: pourtant il le renia trois fois avant que coq ne chanta deux fois. Pierre pleure amèrement et disparaît. On peut imaginer la douleur d’une personne de base 6 dont la loyauté est prise à défaut et qui aime profondément son Seigneur. D’ailleurs, après sa résurrection, Jésus va réhabiliter Pierre au bord du lac de Tibériade (Jn 21,15 à 19). Avant ce dialogue, nous savons que Pierre est parti pêcher avec d’autres disciples (flèche 9 ?): il est dans son élément, la mer, la pêche, la réunion entre amis: un environnement sécurisé. Quand le disciple que Jésus aimait a reconnu Jésus au bord de l’eau, Simon Pierre s’est jeté à l’eau depuis la barque: sa loyauté, radicale et entière, est retrouvée.

Jésus connaît la peur et l’anxiété de la personne de base 6, il retrouve Pierre dans ses angoisses et le tire doucement vers un affermissement de sa foi et de son courage. Ce dialogue inaugure un nouveau commencement dans la vie de Pierre, grâce aux trois questions que Jésus lui pose, le centre émotionnel, longtemps délaissé s’exprime enfin positivement, ses doutes, ses craintes, ses peurs sont vaincues. A la suite de l’exhortation du Maître de paître ses brebis, Pierre va grandir dans le rôle d’un guide fort et courageux; sa foi est renouvelée. C’est un vrai berger, probablement en social: un homme de devoir, qui devient avec Paul un des chefs de l’Eglise naissante. Pierre n’est plus un lâche: lorsque le Sanhédrin lui interdit de continuer à enseigner au nom de Jésus, il dit : « Jugez plutôt vous même s’il est juste de vous obéir plutôt qu’à Dieu. » (Actes 4, 12).

Lors de son martyre sous Néron en 64, Pierre fait preuve d’un grand courage en demandant, selon la tradition, à être crucifié la tête en bas. Pierre se souvient alors de la parole de Jésus: « J’ai prié pour toi pour que ta foi ne défaille pas. » (Luc 23, 32); celui qui veut me suivre, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. » Selon le mot du père Fabre, Pierre, au soir de sa vie a fait l’expérience qu’être disciple de Jésus c’est avoir fait l’expérience irrévocable de son incapacité à l’être, en lâchant le contrôle: « Amen, amen, je te le dis: quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jn, 21, 18

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

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