LE KANGOUROU
par Laurence, de base 6
Petit kangourou à la peau soyeuse, j’aime mon sweet home, avec ses rangées de livres sur les étagères, mon canapé douillet et mon bureau à multiples tiroirs qui abritent mes secrets. Deux chats câlins qui aiment faire leur sieste tout contre moi viennent compléter le tableau, et c’est la béatitude qui me gagne. Au chaud dans mon cocon, que pourrais-je craindre?
La crainte, parlons-en… Amie encombrante, obtuse intruse, déclinée à tous les temps et surtout au futur : si je prends cet itinéraire, trouverai-je la bonne sortie d’autoroute ? Ce bruit bizarre sous le capot, n’est-ce pas une panne gravissime qui va ruiner mon budget ? La lettre recommandée qui m’attend à la poste, ne serait-ce pas les impôts? L’URSSAF ? J’ai dû oublier un chiffre dans une colonne, un papier à renvoyer dans les délais !
Ma gorge se serre, mon cœur bat la chamade, me voilà prêt à enfiler mes gants de boxe pour monter sur le ring et me sortir de la supposée situation pénible avant même de savoir de quoi il retourne… Cette petite plaie, là, elle ne guérit pas vite… Cette petite boule, juste sous la peau, qui roule sous mes doigts… Une tumeur, peut-être ? Comment ferais-je si je devais me soigner ? Et mon travail ? La mécanique de mes pensées s’emballe, et je m’organise déjà en pensée au cas où.
La peur… Un étau qui se referme, un piège qui claque en grinçant à mes oreilles, fait froncer mes sourcils dans une physionomie tendue et inquiète… Vite, entendre une voix amie, un conseil chaleureux qui va me redresser, me booster : « Tu ferais quoi, toi? » Oserai-je donc me poser un jour la question : « Et toi, que décides-tu de faire, pour toi ?
Souvenir d’une trahison d’enfance, départ aussi brutal qu’inexpliqué, qui a laissé une cruelle empreinte. Alors, cet ami qui se dit fidèle, dit-il toute la vérité ? Et je teste, me renseigne, avance puis recule. Comment donner ma confiance? Cet amoureux, qui s’approche de trop près sans y être invité, ses mots sont-ils vrais, ses intentions sont-elles nobles ?
« On verra »… Quel cauchemar que ces mots, moi, je ne puis attendre, je veux savoir maintenant ce que toi, en face, tu veux et penses, ressens, et je veux que tu me le dises, savoir qui tu es, quitte à jurer connaitre tes pensées pour que tu te livres davantage. J’aime la lumière, la vérité, une route nette et dégagée, des sentiments qui se disent et s’expriment avec délicatesse mais sans fard, en pleine clarté.
Et quand j’aime, jamais je ne compte ! Aucun mur à franchir ne m’arrête (pas même celui d’une école militaire gardée par des sentinelles armées, au milieu de la nuit)… Une cause à défendre, et je serre les poings dans mes gants de boxeur, brandis les étendards en première ligne. Aucune bataille à laquelle je crois ne me fait alors peur et me voilà prêt à encaisser les coups sans férir. Rien ne me fait tant vibrer que de défendre le faible ou le rejeté, lorsque j’y crois de tout mon être…
Mais attention, ne me décevez pas, ne me trahissez pas, ne piétinez ni mon rêve, ni mon idéal… Contre vous, avec la même fougue, je me dresserai alors, ou vous tournerai le dos avec mépris et une colère sourde, dans une volte face sans retour.
Bien dit…très bien dit.
Merci!