JEAN CALVIN
Un archétype de base 1 en social*
par Pascal
Jean Calvin (de son vrai nom Jean Cauvin), né à Noyon en Picardie le 10 juillet 1509, évoque le type même du réformateur intègre, droit et rigoureux, autrement dit la base 1. Il est avec Martin Luther (vraisemblablement de base 1 aussi), un des pères de la Réforme en Europe. Destiné à la prêtrise, il sera juriste (comme Tertullien, père de l’Eglise), humaniste très doué (il a appris le latin, le grec auprès d’André Alciat et l’hébreu). Il fut un temps condisciple d’Ignace de Loyola (archétype de base 3 du catholicisme et fondateur de la Compagnie de Jésus) au Lycée Montaigu à Paris. Après donc avoir étudié le droit à Orléans et à Bourges, il revient à Paris, fréquente les milieux humanistes (Marguerite de Navarre), lit intensément la Bible dans de nouvelles éditions (Saint Augustin, Erasme et Lefebvre d’Etaples). A Paris, il éprouva une conversion subite : « Dieu dompta mon cœur à docilité qu’en l’égard à l’âge était trop endurci en de telles choses ».
Rappelons que la personne de base 1 éprouve la peur d’être mauvais, corrompu et imparfait. La colère est sous-jacente, toujours là mais jamais exprimée (cela ne se fait pas). C’est un discipliné, un amoureux de l’ordre, de l’obéissance à la loi. Pour Calvin comme pour Luther, le monde est imparfait, il faut donc l’améliorer, le réformer, le changer. Le père de l’Institution Chrétienne, son œuvre majeure, est celle d’un idéaliste recherchant la perfection, le meilleur en tout, le plus juste et le plus vertueux.
Son image est celle d’un homme sévère jusqu’à l’austérité (flèche 7 peu actionnée), froid jusqu’à la rudesse, sec jusqu’à la tristesse (flèche en 4). S’il est vrai qu’il n’a pas le profil ni la silhouette d’un Martin Luther, presque Rabelaisien (sans doute un type 1 de sous-type tête-à-tête, vu ses propos sur le mariage et la sexualité; ses Propos de table, écrits à la fin de sa vie, où il confine parfois à l’outrance contre les juifs ou les paysans révoltés), Jean Calvin est pourtant un homme qui a suscité de nombreuses amitiés fidèles, galvanisé des foules et séduit nombre d’intellectuels de son siècle: c’était un passionné, un passionné à sang froid mais un passionné tout de même.
Les personnes de base 1 et de sous-type social sont épris de justice, de moralité et de vérité. Ce sont souvent des animateurs et des enseignants talentueux qui ont à cœur de donner l’exemple et qui acceptent difficilement les imperfections chez eux comme chez les autres (on ne plaisante pas). Poursuivi en France parce que favorable aux thèses luthériennes et suite à l’Affaire des Placards, Calvin se réfugie en Suisse puis à Strasbourg avant de revenir à Genève en 1541. Il entreprend alors d’en faire une ville exemplaire (la Rome protestante), un modèle de la nouvelle manière de croire et de vivre. Il impose une sévère discipline morale aux habitants et rend obligatoire la fréquentation du culte. Lui, le théologien laïc, détermine jusque dans les moindres détails la vie religieuse, civile et morale de la cité. Les citoyens sont surveillés dans leur vie publique comme dans leur vie privée. Cela n’est pas sans faire penser aux travers de la base 1: rigidité, manque parfois de tolérance: pourquoi tolérerais-je un tel comportement alors que moi-même je fais tout pour l’éviter (son code de valeur et de morale sont inflexibles).
Deux exemples illustrent cela : l’affaire Michel Servet, du nom d’un médecin espagnol qui avait échappé à un procès d’inquisition à Vienne qui fût arrêté à Genève et accusé par Calvin d’hérésie (il niait la Trinité de Dieu) et fût brûlé vif. Par ailleurs, Calvin s’opposa farouchement à l’attitude de Sébastien Castellion qui plaidait pour la tolérance envers les hérétiques et pour les libertins prônant en cela une vie libre (concubinage). Toute sa vie, Jean Calvin a beaucoup travaillé, étudié, a brûlé sa vie non dans le plaisir (comme pourrait le faire une personne de base 7) mais dans le travail acharné les nuits passées en labeur. A Genève, de 1541 à 1564, il fut un véritable réformateur: il réalisa plus de 2000 sermons, prêchant deux fois le dimanche et trois fois durant la semaine, sermons qui duraient plus d’une heure et donnés sans notes. La personne de base 1 en mode social est un discipliné, non seulement il adhère aux règles et aux coutumes sociales, mais il les épouse et les respecte avec vigueur, les imposant aussi aux autres: c’est l’image du croisé (Calvin a d’ailleurs beaucoup de points communs avec Saint Louis).
Calvin était favorable au mariage: en 1540 ses amis lui présentèrent Idelette de Bure, veuve d’un anabaptiste converti. En 1542 elle donna naissance à un garçon Jacques, qui mourut rapidement. En 1549 ce fut à son tour de mourir: Calvin fut effondré. Il écrira à son ami Pierre Viret : « J’ai été privé de la meilleure amie de ma vie et de mon ministère » (flèche 4 activée qui explique aussi son amour pour la musique).
Calvin le puritain a su s’entourer de part son sous-type social. Au début de sa carrière: Marguerite de Navarre, puis à Bâle et à Genève de Guillaume Farel, de Martin Bucer à Strasbourg et enfin Théodore de Bèze à la fin de sa vie. Il fut un propagateur actif, un logicien, un systématicien absolu en même temps qu’un organisateur né. Dans son œuvre principale L’Institution Chrétienne, il cherche à faire un résumé de ses vues sur la théologie chrétienne en parallèle à ses commentaires. En 1536, la première édition comportait 6 chapitres, la dernière en 1559, 80. Il rédigea par ailleurs des commentaires de tous les livres de la Bible, une nouvelle liturgie, un catéchisme pour les enfants et des ordonnances ecclésiastiques, favorisa la création d’un consistoire et d’un tribunal ecclésiastique. Il accueillit les protestants anglais et écossais comme John Knox. Calvin est sincèrement soucieux d’améliorer le sort de l’humanité, prêt à aller dans les tranchées pour obtenir le changement qu’il demande. Il est persuasif et prêt à se mettre en quatre pour que les autres rejoignent les causes et les croyances qu’il défend (aile 2).
En 1555, il fonda l’Académie (établissement supérieur qui devint l’université de Genève avec Théodore de Bèze qui en fut le recteur): on y forma des ministres du culte, notamment ceux qui furent envoyés en France au risque de leur vie suite à l’Edit d’Henri II. Il insiste comme Luther sur la Bible, la parole de Dieu: pour parvenir à Dieu le créateur, il faut que les écritures saintes soient guides et maîtresses. Il se distingue de Luther, qu’il ne rencontra d’ailleurs jamais, en insistant sur la corruption absolue de l’homme et sa prédestination. Il supprime par ailleurs les autels, les anges et les bougies dans l’église. A l’automne 1558, Calvin est atteint de fièvre, il a gravement souffert de l’estomac et des intestins plus des migraines: ce n’était pas un sous-type survie, sa santé et son confort matériel passaient après sa mission, son ministère. Son dernier sermon a lieu à la cathédrale Saint-Pierre le 6 février 1564. Il mourut le 27 mai de la même année à 54 ans. Il s’est infligé beaucoup de privations (sommeil, nourriture), a énormément travaillé, étudié pendant de longues heures le jour et la nuit. Il voulut que sa tombe soit anonyme pour que personne ne vienne s’y recueillir.
Farel fut son héritier. Le calvinisme se développa en Allemagne, aux Pays-Bas, en Ecosse, en Angleterre et en France. Lors de la Révolution Anglaise, les puritains rédigèrent la confession de foi de Westminster. Le mouvement s’étendit en Amérique du Nord, en Afrique du Sud et en Corée. Max Weber, en 1904-1905, le sociologue a montré par ailleurs le rôle du calvinisme dans la formation et l’esprit capitaliste moderne (renoncement au monde, sens de l’effort, frugalité, sobriété et esprit d’économie). S’il ne fut pas une personne facile, Jean Calvin a été un grand systématicien, un excellent organisateur et un grand propagateur de la foi. Il est l’un des réformateurs majeur du XVIè siècle avec l’allemand Martin Luther et le suisse Ulrich Zwingli. Goethe, autre archétype de base 1 célèbre, n’a-t-il pas dit : « à celui qui s’efforce sans relâche, on peut accorder le salut ».
* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre.