Métaphore de la base 8

EleonorLA CATHEDRALE

par Eléonor, de base 8

Voici quelques semaines, j’ai eu l’occasion de travailler la glaise… Alors que je malaxais la matière, mes deux mains se sont arrêtées, emboîtées l’une dans l’autre comme un danseur de flamenco qui fait ses palmas : les doigts de la main gauche coulés dans la paume de la main droite, cette dernière surplombant la première comme pour la protéger, la cacher. Les deux réunies formaient une ligne serpentine, courbe et fragile, fine et friable. J’y ai vu l’enfant 8 gauche et dissimulé dans le géant 8, droit et inflexible. La part douce, la tendresse, les émotions d’intime et de douleur, le silence du cœur et le vide intérieur, cette quête indicible  de s’accorder du prix et de la valeur, toutes ces choses me sont alors apparues si belles et pourtant si occultées. La main 8 volontariste, la battante, la déferlante, celle qui a de l’aplomb et refuse de se laisser marcher sur les pieds, la généreuse défenseuse des laissés pour compte prenait toute la place, prenant aussi le risque d’étouffer littéralement sa consœur. Quelle étrangeté que ce moment où je me suis reconnue dans la terre que j’avais façonnée.

La Cathédrale de Rodin

La Cathédrale de Rodin

Je ne sais pourquoi mais, presque simultanément, La cathédrale de Rodin m’est apparue. Les deux mains s’y entremêlent, l’une sur l’autre comme réconciliées et unies, ne faisant plus qu’un seul corps. J’ai désiré cette métamorphose de ma statuette qui était née dans la glaise ; j’ai désiré la voir ainsi évoluer et se couler dans le bronze. J’ai désiré donner autant de place et de pouvoir à la tendre gauche qu’à la ferme droite, partager tant l’innocence que la fronderie.

Sur ma table, la glaise avait séché. Alors mes mains nues se sont jointes pour recréer cette cathédrale sculpturale, ma cathédrale vivante. La gauche a regardé la droite dans un air de quasi défi, lui montrant sa force et sa fierté de se reconnaître enfin. Mes deux mains se sont ainsi élevées confiantes, telles un grand enfant et un vieil adulte partis sur le chemin bras dessus bras dessous.  J’espère que cette image s’affirmera en moi, y fera sa demeure et s’y épanouira. J’espère que ces deux parts manquantes, appuyées l’une contre l’autre dans une amitié mutuelle, deviendront plus forte qu’une forteresse imprenable, humbles gardiennes du trésor de chacun et du mien.

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