LOUIS XVI
un archétype de base 9 en survie*
Il est difficile de parler de Louis XVI sans évoquer l’histoire passionnante et mouvementée de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution. Mais nous ne pourrons dans le cadre de cet article nous attarder sur l’explication de ses événements. Nous garderons le cap sur l’essentiel, sans musarder, à savoir la figure de Louis XVI, le roi guillotiné.
Louis, duc de Berry, naît dans une fratrie nombreuse derrière Louis, duc de Bourgogne, héritier du trône et objet de toutes les attentions, Xavier, duc d’Aquitaine, et devant Louis, duc de Provence, le futur Louis XVIII, et Charles, comte d’Artois, futur Charles X. Dans l’ombre de Provence, déjà fin, amusant et supérieurement adaptable à défaut d’être franc, et de Bourgogne, héritier idéal par son charme et une forme précoce d’ascendant, Louis passe inaperçu. Sans doute cela n’a-t-il pas arrangé la faible confiance en soi qui caractérise les personnes de bases 9, capables d’une telle écoute qu’elles peuvent finir par se trouver transparentes. Lorsque le dauphin, victime d’un accident sera alité, on le séparera de sa nourrice, ce qui sera pour lui un déchirement et il sera réduit à être la poupée de son frère. Une enfance et un caractère qui ne prédisposent pas à l’exercice du pouvoir, sauf que, Bourgogne mourant, Louis se retrouve dauphin en 1761. Il a sept ans.
Très vite on notera chez lui une tendance profonde à la dispersion – pour ne pas dire narcotisation – ce phénomène qui consiste à se plonger dans une foule d’activités périphériques (jusqu’à la suractivité) pour éviter l’affrontement à la chose même. Serrurerie, géographie, chasse sont des hobbies auxquels il consacre un temps considérable. Illustration : après une nuit de noces catastrophique avec la jeune Marie-Antoinette (ils n’ont que seize et quinze ans au demeurant), il part à la chasse au petit matin, comme pour exprimer une colère qui l’habite sourdement, mais ne sait s’exprimer.
Tout son début de règne est marqué par une recherche éperdue d’une harmonie impossible. Son premier geste (1775, il a 21 ans), inaugurant une politique de compromis qui ne lui permettra jamais d’avoir la main, est de renvoyer Maupeou qui était en train de réformer la vieille société d’ordres et qui, c’est l’avis de nombreux historiens, avec trois ans de plus aurait évité à la France une révolution. Le second est de rappeler les Parlements et de laisser s’installer une contestation aristocratique impossible à maîtriser dans un pays traversé par des revendications parfaitement contradictoires.
Louis n’est pas faible pour autant. Son discours devant les Parlements est plein de majesté et d’une certaine force. Mais il veut être craint et aimé, refuse le conflit en pensant que tout peut s’accorder. En 1786, il a une nouvelle chance de réformer le pays avec Calonne qui souhaite renouer avec la politique de Maupeou. Mais Louis XVI refuse de renvoyer les Parlements qui font obstacle à une réforme qui ne ferait pas leurs affaires. Encore cette peur du conflit. Calonne ne peut rien faire. Nous sommes en 1786: la monarchie d’Ancien Régime est déjà vacillante avant même que la révolution n’éclate. En voulant coûte que coûte préserver l’harmonie, en refusant le conflit, Louis XVI a laissé s’installer les conditions d’une explosion sans précédent en huit cent ans de monarchie capétienne.
La suite sera une longue agonie. La Révolution éclatant, Louis XVI tente de concilier l’inconciliable, la société d’ordres et la nation. Il ne choisit pas, alors on choisit pour lui. Renvoyant Necker puis le rappelant sous la pression, Louis perd toute crédibilité. La Révolution lui donne le droit de veto: il l’utilisera avec un art consommé de la résistance passive (où se manifeste la grande puissance de la base 9). De même fera-t-il preuve de courage face aux foules menaçantes. On peut difficilement mettre la fuite à Varenne sous le coup de la lâcheté, mais plutôt dans une tentative, encore maladroite, de trouver une issue. Une base 9 n’a pas peur, elle n’est pas faible par constitution, mais sa force est comme empêchée par un engourdissement.
Les derniers moments, le procès, le testament qu’il rédige, sa dignité face à ses bourreaux, donnent à Louis XVI un rayonnement que sa vie politique n’aura pas pu lui procurer. De fait, Louis XVI n’était probablement pas de sous-type social. Il semble ne pas comprendre ce qui se passe, quand bien même est-il un homme d’une grande intelligence. En réalité, les questions de pouvoir paraissent lui échapper. Comme les jeux de la séduction, contrairement à la reine. L’homme passionné de géographie, de serrurerie et de chasse n’est jamais plus à l’aise que dans le cercle familial et domestique. Possiblement en survie, il trouvera sa place au moment où lui et sa famille sont aux mains des révolutionnaires. Louis XVI, à l’heure de sa mort, est un père de famille qui donne l’exemple à ses enfants, et continue à aimer son peuple avec lequel il a eu un rapport paternel dans une époque qui tue le père.
On imagine la souffrance intérieure qu’a dû subir ce roi assoiffé de paix et de concorde, au cœur d’une des périodes les plus violentes de l’Histoire. Ses derniers mots marquent la beauté d’un itinéraire spirituel et résonnent, au moment où la machine infernale va lui donner la mort, comme un cri de paix et d’harmonie : « Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ».
* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre.