Archives de l’auteur : Valérie Maillot

La base 7 en chanson

imgresFRIDAY ON MY MIND by The Easybeats : une chanson archétypale de la base 7

par François

« Je me sens mal lundi, mais je le chante avec le sourire. Viendra le mardi, je vais mieux… C’est sûr que le reste de la semaine va trop lentement, mais je n’ai que vendredi en tête! Et là, ce sera fun, j’irai en ville avec ma copine qui est vraiment jolie. Et cette nuit, j’en perdrai la tête! »

Telles sont à peu près les paroles un peu faciles et électriques mais si sympathiques de ce tube de 1966, Friday on my mind, commis par le groupe australien The Easybeats. Tout cela est écrit au présent, mais un présent absolument habité par l’anticipation du futur. Un futur qui ne peut être que meilleur que le présent! Telle est l’obsession de la base 7 : se garantir un futur aimable, amusant, surprenant, afin de s’évader d’un présent dont il craint qu’il ne soit trop morne, ennuyeux, pénible, voire (mais c’est déjà le début de la conscience) douloureux…

Ce morceau est devenu un classique du rock, du fait notamment de son magnifique riff de guitare, tendu et explosif! Avec sa mélodie énergique et joyeuse, ses harmonies simples et insouciantes. Un morceau qui évoque le paradis des côtes australiennes, l’innocence des amours de jeunesse, mais qui porte en lui une tension qui fait toute la sauvagerie voire la violence du morceau : tension qui renvoie à un malaise, celui du refus de ce lundi détesté, ce quotidien triste et fade qu’il veut à toute force oublier. Telle est la problématique de la base 7: se projeter dans un futur rayonnant, pour s’évader d’un aujourd’hui qui a ses faces d’ombre.

Mais à force de jouer cette partition, le 7 risque de n’être jamais présent, même aux bons moments. Le sourire permanent aux lèvres de Stevie Right, le chanteur, même lorsqu’il évoque des choses pénibles, est archétypal. L’excitation du groupe également: « Tonight I loose my head ». En tant que mental, le 7 a un cerveau qui fonctionne en permanence, sans lui laisser de répit. Sa stratégie pour le lâcher est de s’engouffrer dans le plaisir, la fête, l’euphorie, et tâcher de s’en libérer pour vivre une sorte d’ivresse dont il sort épuisé et vide.

Un challenge en base 7? Mettre ce talent de la joie et de la légèreté au service du monde en vivant l’instant présent tel qu’il est, heureux ou douloureux : le chemin de toute une vie… En attendant, goûtez la part de 7 qui est en vous et profitez de ce chef d’œuvre pop pour monter le son de vos enceintes!

 

Quand les neurosciences confirment

 

David Daniels

David Daniels

Neurobiologie, dynamique relationnelle et Ennéagramme : LES TROIS CENTRES D’INTELLIGENCE

Traduit par le CEE avec permission du site drdaviddaniels.com

David Daniels, Professeur en médecine, a longtemps dirigé le département sciences comportementales de l’université de Stanford. Il est également  co-fondateur de la Tradition Orale de l’Ennéagramme et auteur du best-seller Trouvez rapidement son profil Ennéagramme… et savoir qu’en faire. Il a également enseigné l’Ennéagramme à l’Université de Stanford, aux Etats-Unis et à l’international pendant plus de vingt ans.

Comment nos relations –et donc nos vies- sont-elles reliées à notre neurobiologie ? 

L’envie d’écrire cet article provient des énormes travaux de recherche accomplis depuis plusieurs années et qui donnent une crédibilité nouvelle à l’Ennéagramme. En effet, la science commence à reconnaître que l’homme, comme tous les mammifères, partage trois centres d’intelligence. Centres à partir desquels nous faisons l’expérience, percevons et discernons ce qui se passe dans le champ à tout moment. Nous avons été tellement habitués à penser que notre intelligence résidait seulement dans notre cerveau, cette matière grise située au-dessus de nos épaules, que c’est déjà une surprise d’apprendre qu’il y a en fait trois endroits à partir desquels nous pouvons ressentir et évaluer le monde extérieur.

Depuis le départ, le système de l’ennéagramme a évoqué ces trois centres d’intelligence ou trois champs d’expérience. Je suis toujours stupéfait qu’un tel savoir était connu depuis longtemps, bien avant que les microscopes, les scanners et autres progrès technologiques du siècle dernier aient pu, de leur côté, prouver que ces trois centres étaient une réalité. Le système de l’ennéagramme, en effet, est subdivisé en trois parties, chacune étant en correspondance directe avec ce qui est maintenant considéré comme les trois centres d’intelligence des humains/mammifères. Les trois centres se présentent comme suit :
. le centre de la tête, également appelé centre mental ou centre de la pensée
. le centre du cœur, également appelé centre émotionnel
. le centre corporel, également appelé centre physique ou centre moteur

Le système de l’ennéagramme est donc validé par ce que ces trois centres démontrent quant à tous les comportements des mammifères. Les neurosciences montrent, en effet, que tous les mammifères ont trois réactions aversives lorsque leurs trois besoins fondamentaux ne sont pas comblés :
La détresse ou la panique survient lorsque nous faisons l’expérience d’une perte ou d’une connexion vitale avec les autres. La détresse est reliée au centre d’intelligence du cœur, qui concerne ce qui touche au lien et à l’amour. Dans la théorie de l’attachement, l’expérience que fait l’enfant d’une connexion saine crée un lien sécurisé et pose les fondations d’une vie émotionnelle et psychologique saine.
La peur ou la terreur survient lorsque nous faisons l’expérience d’une menace, d’un danger, d’une insécurité ou d’une incertitude. La peur est reliée au centre d’intelligence mental, qui essaye de comprendre ce qui nous rend la vie prévisible et sécurisée. Dans la théorie de l’attachement, un attachement sécurisé permet à l’enfant d’être vu et par-delà sécurisé.
La colère ou la rage survient lorsque nous faisons l’expérience de n’être pas traités correctement ou que nous ne sommes pas pourvus de ce dont nous avons besoin ou désirons. La colère est reliée avec le centre d’intelligence corporelle ou des tripes, qui ressent ce qui ne va pas dans le monde et ce qui n’est pas satisfaisant. Dans la théorie de l’attachement, le lien sécurisé amène l’enfant à faire l’expérience de la protection, dont tous les enfants ont besoin et qui est également relié directement à ce centre.

C’est trois réactions fondamentales sont très puissantes parce qu’elles sont des réactions d’alerte et qu’elles sont douloureuses. Elles sont en relation directement avec le centre de notre être et, par là, au sentiment de plénitude du tout dans l’unité. Aussi, il y a un sentiment de bien-être ultime incrusté dans chacune de ces émotions que nous nous efforçons de ne pas ressentir. La colère essaye d’éviter la rupture avec notre besoin essentiel de bien-être et d’estime de soi, la détresse essaie d’éviter la rupture avec notre besoin d’amour inconditionnel et de connexion vitale, et la peur essaye de nous éviter la rupture avec le savoir de nous priver de ce qui rend la vie prospère et sécurisée.

Alors que chacune de ces réactions est critique à comment nous survivons, nous développons et grandissons, nous ne pouvons pas faire face aux vicissitudes de la vie, si ces réactions sont constamment sous pression. Notre capacité à adapter, ajuster et gérer ces réactions devient partie prenante de notre chemin de développement. Donc, même avec si elles sont par nature aversives, ces réactions existent pour de bonnes raisons et sont fondamentalement « bien intentionnées ». Elles sont immédiatement présentes lorsque nous percevons que les trois besoins fondamentaux de sécurité/certitude, amour/connexion, et valeur/besoins sont menacés ou ne sont pas remplis. La figure ci-dessous montre les trois besoins fondamentaux, les trois réactions aversives correspondant à chacun de ces besoins, et le centre d’intelligence auquel chacune est reliée.

Figure : Les émotions aversives de base et les trois centres d’intelligence

émotions-aversives

Au fil des siècles, la psychologie et l’éducation occidentales ont porté l’intelligence mentale au pinacle et l’ont vénéré comme le centre de l’intelligence. Aujourd’hui, la science démontre sans le moindre doute l’existence des deux autres formes d’intelligence, tout aussi puissantes : l’intelligence du cœur (intelligence des émotions) et l’intelligence du corps (intelligence des sensations et du mouvement). L’ennéagramme prend en compte ces trois centres, reconnaît que chacun d’eux existe en nous, et que chacun d’eux peut être entraîné. Si nous sommes en connexion avec chacun des ces centres, chaque type de l’ennéagramme s’appuie plus fortement sur l’un d’entre eux.

La capacité à reconnaître et à évaluer lequel de ces trois centres vous privilégiez le plus souvent est un merveilleux premier pas vers une meilleure conscience de soi. Alors, reconnaître, valoriser, et intégrer ces trois centres en tant que «forces également compétentes» est crucial pour tendre vers une vie équilibrée et développer des relations harmonieuses. Il est essentiel de parvenir à équilibrer ces trois forces à l’intérieur de nous, afin de pouvoir ensuite les mettre en œuvre dans nos relations.

LE CENTRE-TÊTE DOMINANT : types 5, 6, 7
Si le centre -tête est dominant, je tends à filtrer le monde à travers mes facultés mentales.
– Les buts de cette stratégie sont de minimiser la peur, anticiper les possibles situations douloureuses et maximiser la certitude en utilisant les processus mentaux que sont l’analyse, la vision et la planification. Si nous pouvons décoder le monde extérieur, comprendre et anticiper ses sollicitations, alors, nous gagnons en sécurité et en évaluation des risques.
– Cela demande d’anticiper le futur, à la fois positivement et en envisageant les manifestations potentiellement dangereuses, afin de développer des stratégies ad hoc avant le possible événement.
– Tous les types dépendent de l’intelligence mentale pour développer les qualités supérieures du centre mental comme la prévenance, le discernement, et la sagesse.
– Mots clé : sécurité, certitude, protection, assurance, prévisibilité, pensée.
– Lorsque nous ne nous sentons pas à l’aise dans ces mots clé, nous réagissons par la peur/terreur, comme tous les mammifères, avec des variations de peur chez les humains parmi lesquels l’anxiété, le souci, le doute et l’appréhension.

Le CENTRE-CŒUR DOMINANT : types 2, 3, 4
Si le centre cœur est dominant, je tends à ressentir le monde via le filtre de l’intelligence émotionnelle.
– Je suis sensible et je m’ajuste à l’humeur et à l’état émotionnel des autres, afin de combler mes propres besoins d’être accepté, d’être en lien, de recevoir de l’affection et d’être reconnu. Plus que les autres profils de l’ennéagramme, je suis dépendant de la reconnaissance et de l’admiration des autres. J’en ai besoin pour établir une bonne estime de moi-même et créer une identité que je perçois comme aimable. L’idée, c’est de m’assurer que je vais combler mon besoin d’amour et de lien.
– Pour m’assurer de recevoir approbation et reconnaissance, je tends à me créer une image qui va amener les autres à me valoriser, à m’accepter et à me considérer comme spécial. Par ailleurs, le pouvoir de ce centre est amplifié par l’émotion positive du prendre soin de, ce bon sentiment qui émerge des liens que nous ressentons dans une relation. Cette émotion est partagée par tous les mammifères. La relation mère-enfant illustre cette histoire de lien. Toute notre vie, nous avons besoin de ressentir un tel sentiment.
– Tous les profils Ennéagramme s’appuient sur leur intelligence émotionnelle pour ressentir et développer les qualités supérieures du centre du cœur, comme l’empathie, l’écoute de l’autre, la compassion, la gentillesse.
– Mots clé : amour, connexion, affection, lien, sentiment et reconnaissance.
– Lorsque nous ne nous sentons pas à l’aise dans ces mots clé, nous réagissons par la détresse/panique, comme tous les mammifères, avec des variations de détresse chez l’homme parmi lesquelles la tristesse, la mélancolie et la honte.

Le Centre Corps dominant : Types 8, 9, 1
Si le centre corps est dominant, je tends à filtrer le monde par mon intelligence kinesthésique: le mouvement dans l’espace, les sensations physiques et une connaissance sensorielle.
– Je vais utiliser ma situation et mon pouvoir pour rendre la vie conforme à ce que je veux qu’elle soit, obtenir ce que je veux et sortir du champ ce qui m’empêche d’obtenir ce que je veux. Je vais tendre vers des stratégies qui assurent ma place dans le monde, obtenir ce que je veux, et maximiser mon confort.
– Tous les profils dépendent de l’intelligence corporelle pour développer les qualités supérieures de ce centre : évaluer intérieurement l’énergie requise pour l’action, discerner quelle puissance utiliser pour accomplir cette action le plus justement possible, et développer la sensation « d’être ancré », d’exister là, dans le monde.
– Dans l’enfance, sans distinguer clairement la plupart des situations, nous sommes naturellement ancrés dans le moment présent. Toute notre vie, c’est notre centre corporel qui nous ramène dans le moment présent, ce que nous pouvons faire consciemment en nous recentrant sur nos sensations. Lorsque nous sommes vraiment ancrés (quand nous savons exactement qui et où nous sommes dans le temps et dans l’espace), nous ressentons les frontières de notre individualité dans le monde, nous nous sentons « incarnés » et, à partir de là, nous pouvons avancer dans notre vie, et nous relier sainement aux autres.
– Mots clé : puissance, valeur, respect, protection, confort, entreprendre l’action, harmoniser, appartenance.
– Lorsque nous ne nous sentons pas à l’aise dans ces mots clé, nous réagissons par la colère/rage, comme tous les mammifères, avec des variations chez l’Homme parmi lesquelles l’irritation, le ressentiment et l’impatience.

Ce qu’en écrit Thérèse d’Avila

1779054_291206304365453_1462131716_n

CONNAISSANCE DE SOI ET VIE INTERIEURE
Thérèse d’Avila
Le Château intérieur

Dans ses « Demeures », la grande Thérèse nous enseigne que pour accéder à la septième et dernière demeure intérieure, fine pointe de l’âme et temple du Saint-Esprit, il faut passer par les six autres, dont les deux premières sont celles de la connaissance de soi, peuplées de chausse-trappes et d’animaux étranges…

« Revenons donc à notre château aux nombreuses demeures. Vous […] devez […] fixer votre regard au centre ; là se situe la salle, le palais, où réside le roi ; considérez le palmiste : avant qu’on atteigne sa partie comestible, plusieurs écorces entourent tout ce qu’il contient de savoureux.

Ici, de même, de nombreuses salles sont autour de celle-là, et également au-dessus. Les choses de l’âme doivent toujours se considérer dans la plénitude, l’ampleur et la grandeur, on ne le dira jamais assez, elle est capable de beaucoup plus que ce que nous sommes capables de considérer, et le soleil qui est dans ce palais se communique à toutes ses parties. Il est très important que toute âme qui s’adonne à l’oraison, peu ou prou, ne soit ni traquée, ni opprimée. […]

Oh ! s’il s’agit de la connaissance de soi ! Car elle est si nécessaire, (cherchez à me comprendre), même pour celles d’entre vous que le Seigneur a introduites dans la demeure où il se trouve Lui-même, que jamais, malgré votre élévation, vous ne pouvez mieux faire, et vous ne le pourriez pas, même si vous le vouliez ; car l‘humilité travaille toujours à la façon dont l’abeille fait le miel dans la ruche, sinon tout est perdu ; mais considérons que l’abeille ne manque pas de sortir pour rapporter des fleurs ; ainsi fait l’âme, par la connaissance de soi ; […] Cherchez à mieux progresser dans l’humilité ; et, ce me semble, jamais nous n’arriverons à nous connaître si nous ne cherchons pas à connaître Dieu […]. »

Métaphore de la base 5

imagesUNE PAIRE DE GOOGLE GLASS

par Julien, de base 5

Je suis une paire de Google Glass photosensibles.

Quand je vous vois, il y a tant d’informations qui m’arrivent que je suis incapable de retenir votre prénom.

C’est aussi que je suis un peu perdu derrière ces verres qui foncent sous votre regard.

07113282-photo-google-glass-montureLe récent guide des bonnes pratiques éditées par Google m’a déprimé. Il faudrait que je renonce à l’attitude Glasshole (s’isoler du monde) pour au contraire « partager mes découvertes avec la communauté » et « interagir avec le monde environnant tout en répondant aux questions des plus curieux avec civilité ».

Ils ne voudraient pas en plus que je me fasse naturiste?

Non vraiment ils ne comprennent rien. Mais je suis sûr qu’ils n’y croient pas eux-mêmes.

Car comment pourrait-on perdre son temps en des discussions futiles alors que les Glass permettent d’approfondir tant d’aspect du monde et des êtres, sans s’exposer le moins du monde.

Lors d’un module des panels, un homme plein de délicatesse m’a demandé comment il fallait nous dire bonjour, à nous les cinq. J’ai bien réfléchi et j’en suis venu à la conclusion qu’il suffisait de dire « bonjour Google Glass ! ».

Car pour celui qui se cache derrière, il faudra revenir…

Julien, Bacon-les-Bruyères.

Métaphore de la base 8

EleonorLA CATHEDRALE

par Eléonor, de base 8

Voici quelques semaines, j’ai eu l’occasion de travailler la glaise… Alors que je malaxais la matière, mes deux mains se sont arrêtées, emboîtées l’une dans l’autre comme un danseur de flamenco qui fait ses palmas : les doigts de la main gauche coulés dans la paume de la main droite, cette dernière surplombant la première comme pour la protéger, la cacher. Les deux réunies formaient une ligne serpentine, courbe et fragile, fine et friable. J’y ai vu l’enfant 8 gauche et dissimulé dans le géant 8, droit et inflexible. La part douce, la tendresse, les émotions d’intime et de douleur, le silence du cœur et le vide intérieur, cette quête indicible  de s’accorder du prix et de la valeur, toutes ces choses me sont alors apparues si belles et pourtant si occultées. La main 8 volontariste, la battante, la déferlante, celle qui a de l’aplomb et refuse de se laisser marcher sur les pieds, la généreuse défenseuse des laissés pour compte prenait toute la place, prenant aussi le risque d’étouffer littéralement sa consœur. Quelle étrangeté que ce moment où je me suis reconnue dans la terre que j’avais façonnée.

La Cathédrale de Rodin

La Cathédrale de Rodin

Je ne sais pourquoi mais, presque simultanément, La cathédrale de Rodin m’est apparue. Les deux mains s’y entremêlent, l’une sur l’autre comme réconciliées et unies, ne faisant plus qu’un seul corps. J’ai désiré cette métamorphose de ma statuette qui était née dans la glaise ; j’ai désiré la voir ainsi évoluer et se couler dans le bronze. J’ai désiré donner autant de place et de pouvoir à la tendre gauche qu’à la ferme droite, partager tant l’innocence que la fronderie.

Sur ma table, la glaise avait séché. Alors mes mains nues se sont jointes pour recréer cette cathédrale sculpturale, ma cathédrale vivante. La gauche a regardé la droite dans un air de quasi défi, lui montrant sa force et sa fierté de se reconnaître enfin. Mes deux mains se sont ainsi élevées confiantes, telles un grand enfant et un vieil adulte partis sur le chemin bras dessus bras dessous.  J’espère que cette image s’affirmera en moi, y fera sa demeure et s’y épanouira. J’espère que ces deux parts manquantes, appuyées l’une contre l’autre dans une amitié mutuelle, deviendront plus forte qu’une forteresse imprenable, humbles gardiennes du trésor de chacun et du mien.

De la connexion entre les vertus

Dans nos stages, nous avons à cœur de relier la connaissance de soi à une éthique aristotélicienne des vertus afin que chacun puisse repartir avec un chemin d’évolution propre.

L’ennéagramme en effet permet de découvrir sa passion dominante, cultiver sa vertu propre, et ainsi concourir à l’épanouissement de toutes les vertus du diagramme : une bonne nouvelle s’il en est, déjà évoquée par les Pères du désert en leur temps.

imgres

Jean Cassien mentionne dans ses Conférences (V, 13) que l’ordre dans lequel les passions se présentent et s’engendrent est variable selon les personnes :
« Les huit passions principales font ensemble la guerre au genre humain, mais leurs attaques ne se présentent pas de la même manière chez tous indistinctement. […] Ici c’est l’esprit de luxure qui a le premier rang, là domine la colère. La cénodoxie revendique le sceptre chez celui-ci ; chez celui-là l’orgueil détient la souveraineté. Et bien que chacun de nous ait à subir les assauts de tous, ce n’est pas de la même manière ni selon le même ordre que nous en sommes travaillés. »

sttheophanAprès lui, et à l’instar de Thomas d’Aquin, Théophane le Reclus, dans ses Lettres de direction spirituelle (Editions Syrtes, p. 143-144), parle de cultiver une vertu propre qui entraînerait toutes les autres.

« Il y a en chacun une passion principale autour de laquelle s’enlacent toutes les autres. C’est celle-là qu’il faut vous efforcer avant tout de dénicher. […]

L’ayant détectée, classez les autres par rapport à elle : laquelle est plus près, laquelle est plus loin. Et comprenez comment est structuré votre cœur : c’est une précieuse acquisition! Car, lorsque à la suite de cela vous entreprendrez de vous laver des passions et des mauvais penchants, vous verrez mieux dans quelle direction porter vos efforts : vers votre passion principale.

Lorsque vous l’aurez vaincue, toutes les autres se disperseront d’elles-mêmes. Comme à la guerre : quand le gros des forces de l’ennemi est enfoncé, il ne reste plus qu’à poursuivre le reste des troupes et  à l’abattre. Les actes, c’est facile à corriger. Tu n’as qu’à ne pas faire le mal, et tout est là. Mais transformer le cœur et le corriger n’est pas l’affaire d’un instant, un combat est nécessaire.

Et dans ce combat, quand on ne sait pas où porter les coups, l’on peut s’épuiser, se démener pour rien – et n’arriver à rien. Donc, ajustez vos efforts! »

 

Géraud : unique et heureux !

Paris - mai 2014Lors du module 1 suivi récemment, l’ennéagramme m’est apparu comme un outil de connaissance de soi d’une très grande pertinence sur deux points fondamentaux.

Personne n’est enfermé dans une définition ni dans un jugement de valeur : on voit bien que les nuances et les possibilités sont infinies et modulées par la vie elle-même. D’ailleurs, le terme de « base » est vraiment juste ! En ce sens, la connaissance de soi par l’ennéagramme est profondément libératrice : je me sens unique et je comprends que ma base n’est pas moins favorable qu’une autre à une vie heureuse et épanouie.

La connaissance de soi par l’ennéagramme ouvre des perspectives d’évolution personnelle immenses, comme une meilleure compréhension de notre entourage. Sur ce point, l’ennéagramme est porteur d’espérance et de charité.

Une fois de plus, je ne peux qu’être émerveillé du génie de la création et rendre grâce à Celui qui en est l’artisan. Je remercie François et Valérie, qui ont su être Son instrument avec une grande justesse.

Une Palme d’or au cœur du sujet

imgresWINTER SLEEP
un film de Nuri Bilge Ceylan
Palme d’or 2014

Cette année la palme d’or de Cannes a été décernée à un chef d’œuvre du septième art, Winter Sleep du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, dont certains ont déjà vu et aimé Uzak ou Les Climats. On ne dissertera pas ici des qualités esthétiques de ce film – photo, direction d’acteurs, science du champ/contrechamp – mais on s’attachera à l’analyse ennéagrammique des trois personnages principaux dont la subtilité est remarquable.

1Inspirée de nouvelles de Tchekov, Winter Sleep met en scène dans une intrigue aussi mince que tendue, un personnage principal, Aydin. Acteur de théâtre en retraite, il gère un petit hôtel troglodyte en Cappadoce, écrit quelques papiers pour le journal local et repousse au lendemain l’écriture d’une histoire du théâtre turc… A ses côtés sa jeune épouse Nihal, avec laquelle il ne partage plus grand-chose et qui se dépense sans compter dans les actions caritatives ; et sa sœur Necla, récemment divorcée, qui vit avec eux. Un jet de pierre sur une vitre de voiture, une lettre reçue par Aydin vont déclencher un séisme qui va faire tomber les masques.

2Aydin nous apparaît comme un prototype du type 7 avec ses côtés attachants et détestables. Charmeur, débonnaire, sympathique, Aydin se révèle aussi d’un égoïsme forcené, d’une lâcheté pitoyable, et s’avère être un parfait velléitaire, incapable de mener à bien ses projets, tout en étant très arrogant et sûr de son intelligence. On voit bien ici que le 7 appartient à la triade mentale, même si son incapacité à persévérer dans l’effort l’empêche de produire ce qu’il pourrait. On voit aussi combien le 7 est marqué par la peur comme tous les mentaux, et en particulier la peur de souffrir qui est la marque du 7, et dont une des premières scènes est la parfaite illustration : au moment d’un conflit entre son homme à tout faire et un de ses locataires avec lequel il est en procès, Aydin reste à distance, ne s’implique pas, laisse faire, littéralement pétrifié par la scène. Ce 7-là aurait une forte aile 6 qui fait de lui un 7 moins en prise sur le réel que le 7 à aile 8, et plus en proie en doute, mais aussi à la nuance. Une flèche 5 semble également manifeste chez Aydin qui lui fait trouver du plaisir à se réfugier dans son bureau devant son ordinateur, mais sans arriver à aboutir. Sa flèche 5 viendrait ainsi au service de son 7 soucieux de son plaisir. Là où le personnage est magistral c’est qu’il montre dans ce 7 un mélange inouï d’égoïsme individualiste et de dépendance des autres dans la recherche de son plaisir qui peut paradoxalement susciter en lui des attitudes que l’on pourrait prendre pour de l’abnégation.

imagesNihal, interprétée par la belle Melisa Sözen, pourrait bien être le prototype d’une 4 introvertie, avec une belle aile 5. Toujours en avance sur son mari et sa belle-sœur dans la compréhension des émotions (il suffit de voir la scène terrible dans laquelle le petit garçon qui a brisé la vitre de la voiture présente ses excuses), elle est capable, acculée par l’arrogance d’Aydin, de l’exécuter en quelques mots, avec une profondeur de jugement magistrale. Mais son aile 5 tempère son 4 qui, on le comprend au fur et à mesure du film, bouillonne à l’intérieur et s’extériorise de manière déroutée grâce à une forte flèche 2 qui la pousse à vouloir sauver la planète, en tous cas la Cappadoce. On voit clairement combien son engagement humanitaire est avant tout une manière pour elle d’exister à travers les émotions fortes que son mariage ne lui donne plus. Mais cet altruisme est un leurre. Nihal est centrée sur elle-même et Aydin n’a pas tout à fait tort de lui reprocher une forme d’ingratitude. Nous entrons ici au cœur des difficultés et de la souffrance d’un couple 4/7 qui peut parfois tourner à la lutte de deux narcissismes.

UNNAMED_crop_cropQuant à Necla, elle nous apparaît comme un archétype de base 6. Prise entre sa loyauté vis-à-vis de sa famille et la suspicion envers elle, Necla joue une partition bien connue des 6, passant d’une sorte de soumission (elle n’est ici que la pièce rapportée) à une agressivité sans pareille. La manière dont elle crache son venin à sa belle-sœur et à son frère, avec un art de la parole stupéfiant, illustre cette capacité du 6 à exceller dans une forme de violence verbale dont il est maître. Elle flaire l’imposture chez Aydin comme personne : un vrai chien de chasse qui va faire sortir du bois celui qui veut faire illusion ! Elle attaque sa belle-sœur aux endroits qui font mal, avec un grand sourire. Et en même temps, elle est prête à se soumettre à son ex-mari qui l’a bafouée et à s’humilier pour le retrouver. Ce mélange de soumission et de violence est typique de la base 6. Le personnage de Necla en traduit bien toute l’ambivalence.

La richesse des caractères de Winter Sleep, sa plongée dans les eaux profondes de l’homme intérieur, une fin qui ouvre à tous les possibles sont des signes de la qualité de ce film surprenant vers lequel il faut courir tant qu’il demeure sur les écrans. Ce qu’il dit de l’humanité souffrante l’est avec un génie qui évoque irrésistiblement le grand Bergman, qui sait si bien souligner les ombres. La justesse des personnages, leur traitement sans concession peut dérouter, gêner, questionner; il est en tous cas, par quelque bout qu’on le prenne, une occasion de remise en question de soi, qui engage à chercher la lumière.

Causerie d’été

Norbert Mallet

Norbert Mallet

UNE PETITE HEURE D’EMISSION SUR RCF AVEC LE PHILOSOPHE NORBERT MALLET sur les rapports entre foi et méthodes de connaissance de soi

Faut-il avoir peur des méthodes de connaissance de soi ? Sont-elles compatibles avec la foi chrétienne ? Pourraient-elles même lui être utile ? C’est autour de ces questions que Norbert Mallet, philosophe et formateur, auteur du livre Le développement personnel du chrétien, a donné un entretien à RCF que je ne peux que vous inciter à écouter.

Norbert Mallet est à la fois rigoureux et bienveillant, à l’écoute et convaincu, savant et pédagogue. Aucune question ne lui fait peur, pas même celle des réticences de l’Eglise face à certains outils. S’il reconnaît l’entière légitimité de la prudence de l’Eglise et de son refus de tout ce qui est lié à un esprit new-age ou gnostique, il convoque la philosophie d’Aristote et la théologie de saint Thomas d’Aquin pour encourager une saine vision du développement personnel.

Je retiendrais de ces propos deux points. Tout d’abord le fait que dans la veine aristotélo-thomiste, il y a toujours eu l’idée qu’il existe une éthique des caractères, fondée sur la reconnaissance de leur différence et qui fait que chacun a, selon son profil de caractère ou sa passion dominante, une voix de progression éthique particulièrement adaptée, une manière propre de concourir au bien commun. Se connaître soi-même, avoir conscience de son caractère, de ce qui le sous-tend est alors bien loin d’un nombrilisme stérile, mais gage de fécondité.

Ensuite, en s’appuyant sur cette idée bien connue et magistralement développée par saint Thomas, que la grâce présuppose et accomplit la nature sans la nier, Norbert Mallet montre comment des outils comme l’ennéagramme ou la méthode Vittoz ont toute leur place dans une démarche humaine complète. S’il ne s’agit pas de confondre les plans, on ne saurait les séparer. Une juste distinction, une harmonieuse articulation entre corporel, psychique, éthique et spirituel est indispensable pour respecter l’unité de la personne humaine.

Si seul Dieu sauve, bien de nos problématiques ne sauraient se régler par le tout spirituel ou par ce que Norbert Mallet appelle la psychologie « hors-sol ». Beaucoup de nos comportements récurrents ont le fruit d’une méconnaissance de soi et la simple conscience peut véritablement opérer un profond changement. Nombreux sont ceux qui parlent d’un avant et d’un après dans la vie personnelle, conjugale, familiale et professionnelle.

Cette émission (accessible via le lien ci-dessous) s’offre sur le ton d’une conversation  simple et profonde et s’écoute avec plaisir en temps de vacances : un joli moyen de faire un point pour, pourquoi pas, prendre un nouveau départ…

<iframe width= »400″ height= »280″ src= »http://www.rcf.fr/embed/798863 » frameborder= »0″ scrolling= »no »></iframe>

Une marche particulière

DSC04912Le Père Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Etienne, anime depuis dix ans des sessions de jeûne et des marches spirituelles en Terre Sainte. Il nous ouvre à un exercice typique de la méthode Vittoz : la marche consciente, pour rompre avec nos pensées et émotions envahissantes et vivre pleinement l’instant présent.

th« Le temps des vacances est pour moi l’occasion de marcher. Plus exactement de marcher autrement. Sans courir. Sans avoir les yeux rivés sur ma montre pour arriver à l’heure à la gare, en réunion ou à mes rendez-vous. Sans avoir l’esprit encore encombré de ce que je viens de vivre ou déjà préoccupé de ce qui va suivre. Sans avoir à imposer à mon corps un rythme commandé par les impératifs à tenir. Sans remplir ces temps par la consultation de mon répondeur. Revenir plus consciemment, plus longuement et plus régulièrement dans mes pieds pour être là et m’ouvrir à tout ce qui m’entoure.

Mon attention se porte d’abord sur ma respiration. Je me rends attentif au nombre de pas effectués sur l’expir et sur l’inspir, en adaptant leur nombre en fonction du dénivelé du terrain. J’inspire sur deux, trois ou quatre foulées. J’expire sur un nombre légèrement supérieur à celui de l’inspir. Tout en étant présent au rythme de la respiration et au compte de mes pas, je suis présent au contact de mes pieds avec le sol. Je le sens à travers la semelle de mes chaussures. J’accueille les différentes sensations selon que je marche sur l’herbe, sur des cailloux, sur de la terre, du rocher, des gravillons… Je me rends attentif au mouvement de mes pieds, de mes jambes, de mon corps tout entier, au contact de l’air et à celui des rayons de soleil avec ma peau.. Je reçois les formes, les couleurs, les contrastes… J’écoute les sons qui viennent à mes oreilles…

« Tout instant nous donne Dieu ». Pour cela, il nous faut quitter une vision purement utilitaire de la marche ; marcher non plus pour aller quelque part, faire quelque chose, mais pour habiter le présent et accueillir la vie qui nous est donnée dans l’instant.

« Que chacun examine ses pensées, conseille Blaise Pascal, il les trouveras toutes occupées au passé ou à l’avenir […]. Le présent n’est jamais notre fin. Ainsi, nous ne vivons jamais, mais nous espérons vivre. » La marche est un bon exercice pour nous faire entrer dans la présence, nous ramener à l’accueil de ce qui est là, de ce qui nous est donné et que souvent je ne perçois même plus : la vie.

La Vie, 3 juillet 2014