Archives de l’auteur : Valérie Maillot

Jacques Brel et la base 4

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Un archétype* de base 4

Dans le regard fiévreux, on lit une passion extrême, un feu ardent mais aussi des voiles de mélancolie ou de détresse, qui prennent toute la place. Et cela, déjà, en dit long sur les tumultes intérieurs dont la parole ne peut livrer qu’une part.

C’est peut-être le secret de la douleur de la personne en base 4 : ne pouvoir exprimer ce qui se passe à l’intérieur, ou alors de façon approximative, dégradée, insuffisante: « je constate que je suis horriblement insuffisant par rapport à ce que j’ai envie de raconter » déclare Brel dans cette extraordinaire conversation de 1966, Comment parler aux gens:

 

D’où cette forme d’insatisfaction qui est un point commun des trois types idéalistes, 1, 4, 7. En 4, je focalise toujours sur ce qui manque: sur le décalage entre ce que je porte, ce à quoi j’aspire et ce que je vis, ce que je peux donner et ce que je veux faire. Mais aussi sur ce que l’autre possède et que je n’ai pas, sur ce qu’il est, que je ne suis pas et que j’idéalise largement.

Et pourtant, il faut dire ce que l’on porte en son cœur, de façon vraie et authentique, et ne pas être lâche et veule. Il faut dire quelque chose de singulier, être comme les autres ont résolu de ne pas être, totalement vivant dans des émotions à la fois plurielles, intenses, profondes et changeantes, jusqu’à la cyclothymie.

Choisir telle voie, tel langage, telle attitude, tel engagement sera souvent chez la personne de base 4 « purement sentimental, un choix arbitraire ». Au cœur de ce centre cœur, il y a la quête d’amour, le don de l’amour aussi. Un amour radical qui peut être perçu comme dur et exigeant pour les autres, à rebours de toute guimauve : « de la tendresse sans sanglots » dit Brel. Des sentiments qui n’ont pas peur de la douleur, de la mélancolie, de la tristesse, qui parfois les recherchent. Une manière de « tenir debout » par des émotions dont il se nourrit, jusqu’à introjeter celles des autres, à deviner « un cri que les gens ne poussent même pas », avec cette conscience d’être à part, singulier, unique. La fameuse contradiction du 4 entre mésestime de soi et conscience de sa différence qui peut parfois s’exprimer comme une arrogance.

Passions dévorantes, logique du cœur et non de la raison, amour du symbole et des images qui permettent d’approcher une réalité indicible, feu qui brûle, eau qui murmure ou qui submerge: en 4 l’urgence vitale est la connexion, le lien, sans lesquels il n’a plus de valeur à ses propres yeux, il n’a plus de raison d’être. Le célèbre Ne me quitte pas de Jacques Brel en est la plus poignante expression.

 

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Penser juste

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LA METHODE VITTOZ EXPLIQUEE PAR UN MEDECIN PSYCHIATRE
Interview du Docteur Annick Leca
Alternative Santé
Mars 2015

« Le Docteur Annick Leca, médecin et psychiatre, a progressivement intégré dans sa pratique professionnelle, les principes de la méthode Vittoz, créée par un contemporain de Freud, le Docteur Vittoz.

La méthode Vittoz est une approche psychosensorielle basée sur la redécouverte de nos cinq sens, l’accueil de nos sensations, la conscience de nos actes.

Elle utilise des exercices très simples qui s’intègrent dans la vie quotidienne, contribuent à lui donner sens et génèrent un plaisir de vivre.

D’une approche essentiellement pragmatique, cette méthode est constituée d’un ensemble d’exercices élaborés de façon intuitive par le Docteur Vittoz, et validés, dans le cadre de sa pratique, sur lui-même et sur ses patients. Ses intuitions et le bon sens de ses observations voient leur pertinence confirmée par la neurophysiologie actuelle.

Annick Leca nous explique ici ce que cette technique a apporté à sa pratique et le bénéfice qu’en tirent patients et praticiens.

Entretien :

Vous avez exercé votre métier de médecin psychiatre pendant 33 ans en clientèle privée à Marseille

Effectivement, je me suis installée en cabinet libéral en 1980 et en même temps j’exerçais comme médecin attaché dans un Centre médico-psychologique dépendant du C.H.S. Valvert de Marseille.

Quel a été votre cursus universitaire ?

En cinquième année de médecine, je me suis spécialisée en psychiatrie. J’ai passé le concours d’interne des hôpitaux psychiatriques en 1976. Pendant mon internat la référence à la psychanalyse et aux concepts psychanalytiques était permanente. La pratique se référait à différentes tentatives d’application de concepts sans nuance, avec un reste de méthodes actives auxquelles on ne savait pas encore appliquer les concepts psychanalytiques. On disait que toute activité devait être une activité de soin mais on n’avait pas le vocabulaire de la médiation, de la théorie des groupes, etc.

Pour compléter ma formation, pendant mes études, j’ai entrepris une formation à la méthode Schultz, méthode de relaxation, et plus tard une cure Vittoz suivie d’une psychanalyse.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à cette méthode psychothérapeutique proposée par le Docteur Vittoz il y a plus de 150 ans ?

J’ai rencontré la méthode Vittoz un peu par hasard en 1987. J’ai acheté un des livres du Docteur Rosie Bruston qui parlait de cette méthode et la chance a voulu qu’elle vienne s’installer à Aix-en-Provence tout proche de Marseille. J’ai donc pu faire une cure Vittoz avec elle et ensuite j’ai suivi la formation. C’est elle qui a fondé les trois écoles Vittoz-IRDC en France. (Il existe plusieurs autres Associations.) Cette méthode répondait à des questions que je m’étais posées pendant mes études. Quand je parlais d’aider les patients à se ré-entraîner à l’effort intellectuel, on ne parlait pas encore de thérapie cognitive et très peu des thérapies comportementales, on me disait que je faisais de la résistance au sens psychanalytique du terme. Je résistais « névrotiquement » à la théorie psychanalytique. Il ne pouvait y avoir d’autre explication à mes propos incongrus. Je n’admettais pas que les soins aux malades puissent se résumer à l’écoute en entretien individuel. Le Vittoz m’a apporté un abord des patients qui peut se pratiquer en individuel et en groupe et qui allie pédagogie et psychothérapie.

Quels sont les principes de cette méthode ?

Le Docteur Vittoz a fondé sa théorie sur une conception du fonctionnement cérébral et non du fonctionnement de la psyché. La méthode est basée sur une conception du dysfonctionnement du cerveau organe, c’est-à-dire sur sa conception de ce qu’il a appelé le contrôle cérébral. En effet il considère que le cerveau a deux fonctions principales, la réceptivité et l’émissivité. Par réceptivité Vittoz entend la capacité à recevoir les sensations, à y être présent ; par émissivité il entend la production de pensées et les mouvements. Le contrôle cérébral terme forgé par Vittoz est la capacité que nous avons de passer d’une fonction à l’autre quand nous le décidons. Pour Vittoz on ne peut pas penser juste si l’on ne sent pas juste. Il faut donc rétablir un juste vécu de la réalité par le travail sur la réceptivité avant de pouvoir penser de façon constructive de telle sorte que les prises de conscience aient des effets durables. Il a observé que la majorité de ses patients « nerveux » présentant ce qu’on appelait à son époque une psychasthénie étaient épuisés par une pensée en effervescence continue, une pensée incontrôlée, ne leur laissant aucun répit et amenant progressivement fatigue, puis angoisse, phobies, obsessions, dépression pouvant aller jusqu’à la confusion.

Comment cette conception se réalise-t-elle en pratique ?

Elle se transmet par l’enseignement d’exercices sensoriels, puis d’exercices de concentration et de volonté. Pour le Docteur Vittoz, les symptômes peuvent s’améliorer et même s’amender par la pratique régulière des exercices de réceptivité et d’émissivité qu’il nous a transmis dans son unique ouvrage : Le Traitement des psychonévroses par le contrôle cérébral. Au départ la cure est fonctionnelle ensuite tous les exercices seront repris dans leur dimension symbolique. C’est la cure psychique. Chaque exercice est suivi d’un dialogue donnant le temps nécessaire pour nommer les sensations puis les émotions puis les sentiments. La parole alors énoncée sera au plus proche du vécu du patient, nous livrant la réalité de son monde.

Qu’est ce qui fait l’originalité de cette méthode ?

La méthode est à la fois pédagogique et psychothérapique. Pédagogique car nous transmettons les exercices que le patient va pouvoir intégrer dans sa vie quotidienne et qui vont le mener vers plus d’autonomie ; psychothérapique car le rétablissement fonctionnel du contrôle rétablit l’équilibre psychique par la mise en mots justes sur l’histoire et le vécu du patient. L’accès au corps va se faire par des mises en situation au travers d’exercices corporels et mentaux. Cette médiation va être tout à fait particulière. Elle propose au patient des exercices, au départ de façon très directive. Ensuite les propositions du thérapeute tiendront de plus en plus compte de la parole du patient. L’exercice, utilisé dans sa dimension symbolique, sera alors proposé comme une reformulation/interprétation permettant un remaniement des émotions liées aux souvenirs.

Et en quoi a-t-elle changé votre pratique ?

L’état de réceptivité, développé par la cure permet un accueil de l’autre d’une qualité particulière. Le patient se sent reconnu et accueilli dans toutes ses dimensions tant psychiques que physiques ou spirituelles au sens large du terme. Les propositions d’exercices qui lui sont faites le plus souvent dès la première séance lui donnent des outils pratiques pour gérer son angoisse et faire face à ses difficultés.

Cette méthode semble peu connue aujourd’hui, comment l’expliquez-vous ?

Elle est peu connue car sa transmission a été très discrète et occultée par la psychanalyse, puis par les TCC. La méthode est simple, mais comme tout ce qui est simple elle est difficile d’accès et de transmission. Il faut au moins deux années pour acquérir la connaissance pour soi des exercices et deux années supplémentaires pour approfondir la relation thérapeutique. D’autre part elle mobilise du temps (6 week-end par an plus un séminaire de trois jours, plus les séances de formation individuelle 40 par an).

Des protocoles de formation courte sont en cours d’élaboration pour la transmission des protocoles en groupe : gestion du stress, améliorer sa concentration et sa mémoire. Ces protocoles ont été validés scientifiquement par le Professeur Rebecca Shankland de l’Université de Grenoble en collaboration avec des praticiens diplômés de l’IRDC dans le cadre du programme Vittoz-Fovéa.

A qui s’adresse-t-elle ?

A tous ceux qui sont prêts à entrer dans cette démarche qui est exigeante en investissement personnel. La cure Vittoz est un lieu de parole, à partir des exercices dont le vécu sera longuement écouté. Le dialogue est très constructif car il part d’un vécu corporel. Les personnes en recherche de mieux être autant que les patients en plus ou moins grande souffrance peuvent bénéficier de cet accompagnement, le thérapeute adaptant la cure et les exercices à chaque patient. »

Conduits à l’écart…

11391214_1623431821227087_5239386555590219647_n« Seigneur, Tu nous as conduits à l’écart…
Vers le calme d’un petit hameau plutôt bien caché.
Beauté sobre des lieux et des paysages,
Accueil bienveillant des animateurs de la session,
Découverte des femmes et des hommes
Qui forment cette Communauté qui nous a accueillis pour quatre jours.
Invitation à effectuer un voyage intérieur avec l’ennéagramme,
pour regarder qui je suis et apprendre à vivre en paix avec moi-même.

Branchée sur la respiration de la prière de la Communauté
Invitée à l’accueil de chacun, au partage de nos expériences et différences,
Enrichie de l’entretien personnel avec un membre de la Communauté,
J’ai fait quelques pas vers Toi sur un joli petit chemin. »

Josée, Bose 2015

Dansons la vie !

is577-020Lors du dernier échéange du stage de connaissance de soi via l’ennéagramme au Monastère de Bose, Françoise a esquissé pour les stagiaires ébahis quelques pas de danse, en guise d’évocation de ce qu’elle avait vécu pendant ces quatre jours. A son retour, elle nous écrivait :

« Ce stage sur l’ennéagramme au Monastère de Bose a été un cadeau. J’aurais aimé rester deux jours de plus pour digérer en utilisant mes sens, dans ce beau parc et ce contact avec cette communauté si évangélique. J’espère y retourner, mais j’ai 87 ans…

Quelle force j’ai senti dans ce groupe qui avait la même foi et le désir de mieux se connaitre. Je me suis sentie portée par un grand souffle, comme une petite Pentecôte venant à travers vous, les moines et la richesse du groupe.

J’en avais grand besoin. Il me manque cela en Bretagne. A bientôt, avec toute mon amitié. Et dansons la vie ! »

Les trois centres d’intelligence

10534129_747572461995482_6572635471710133599_nLES TROIS CENTRE D’INTELLIGENCE
validés scientifiquement

Notre société cartésienne l’a longtemps pensé, et notre système éducatif en porte la trace : l’intelligence est celle du cerveau, de la rationalité. Hors de la tête, point de salut! Elle est justement à la tête et doit être toujours privilégiée. Depuis les travaux de Salovey et Mayer, dans les années 90, popularisés par Daniel Goleman, auteur du best-seller, L’Intelligence émotionnelle, on sait que les émotions aident à mieux appréhender les personnes et les situations. Plus récemment encore, on a pris conscience que le corps a aussi sa forme d’intelligence. C’est lui qui sait comment nous devons réagir face au danger, qui sent les personnes, les lieux, les atmosphères… Les sensations, au contraire des sentiments et de nos réflexions qui peuvent transformer l’appréhension du réel, ne nous trompent pas, elles sont, simplement. « Le corps ne ment jamais », selon l’expression d’Alice Miller.

Les progrès de la neurologie viennent scientifiquement de démontrer l’existence réelle de ces trois centres d’intelligence. L’Institut HeartMath, composé de scientifiques qui mènent d’importantes recherches sur les fonctions du cœur, a découvert que le cœur est loin de n’être qu’une pompe servant à la circulation sanguine. Il est également muni d’un cerveau composé de dizaines de milliers de neurones, lieu notamment de la création de l’hormone de l’attachement. Il émet un champ électromagnétique et révèle plusieurs fonctions supplémentaires. Une interaction entre le cerveau du cœur et le cerveau de la tête a été identifié, ainsi qu’entre les émotions et les battements cardiaque et enfin sur un plan plus subtil, le cœur aurait une influence sur l’intuition.

Quant au corps, on sait désormais que le ventre est un lieu de vitalité et d’intelligence particulièrement riche. Au bas mot, 200 millions de neurones s’y trouvent localisés et notre vitalité en dépend très largement, ainsi que notre bien-être puisqu’il s’agit du lieu de création de la dopamine et de 95% de la sérotonine, deux neurotransmetteurs qui agissent fortement sur nos comportements.

Ce qui est notable est que le cerveau du ventre est autonome par rapport à celui de la tête. Comme si le corps humain avait besoin de plusieurs salles des machines pour fonctionner : la tête, le cœur et le ventre.

Nous possédons tous bien sûr ces trois centres d’intelligence. Mais un des enjeux de l’ennéagramme est de prendre conscience que, selon notre base, nous avons surinvesti un de ces trois centres d’intelligence, au détriment des deux autres. Une des voies d’évolution sera donc de tendre à l’équilibre de ces centres. Et la méthode Vittoz nous en donne les moyens: en nous mettant à l’école de nos cinq sens, elle nous permet de redonner à notre corps toute sa place, de se laisser informer par lui. Ancrés par lui dans l’instant présent tel qu’il est, nous devenons plus libres de ne plus nous laisser envahir par le vagabondage cérébral et nous pouvons donner à nos émotions leur juste place.

Un feu nouveau

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Retour de session à Bose
par Pierre

A l’issue des quatre jours à Bose organisés par Panorama sur Ennéagramme et spiritualité chrétienne, voici l’image du feu nouveau, reçue dans la prière.
Elle m’est en premier personnelle (elle m’encourage à aller plus loin dans le travail commencé sur les bases…) mais aussi pour servir au groupe.
Je verrais bien dans le souffle, outre l’action de l’Esprit, l’idée géniale de Panorama, les gestes et les paroles attentionnées que vous avez eues pour chacun des membres de la session, la prière de la Communauté et les paroles fortes du Frère Enzo Bianchi…
Une somme de petites miracles.

3225926031_1_2_01Y3P53j« Au matin, sur le tapis de cendre d’un foyer
restent les charbons de buches consumées d’un feu qui s’est éteint.
Subsistent quelques braises actives. Il suffit d’un souffle léger ou parfois plus fort sur chacune d’elles
pour que le feu se ravive
et qu’une flamme redonne vie et chaleur à la maison. »

Quatre jours entre Dieu et soi

10906196_823189874408511_1822340522752143365_nCONNAISSANCE DE SOI ET VIE SPIRITUELLE

du 11 au 14 mai 2015
au Monastère de Bose en Italie

A la demande du mensuel Panorama, je vais animer pour la deuxième année consécutive une session d’initiation à l’ennéagramme dans un lieu superbe : Bose, près de Turin, où Enzo Bianchi a créé en 1965 une communauté monastique qui est devenue une des plus  importantes d’Europe.

Le très beau succès de celle de l’année dernière est plein de promesses pour cette nouvelle formation qui durera 4 jours au lieu des 2 jours habituels pour une session de découverte classique. Les temps de silence, de prière communautaire et d’accompagnement spirituel par les moines viendront s’insérer dans la trame de la formation.

C’est pour moi une grande joie de pouvoir proposer l’outil de connaissance de soi qu’est l’ennéagramme dans un écrin spirituel. Les plans naturel et surnaturel y seront bien distincts mais des passerelles pourront se faire dans le cœur de chacun, parce que l’homme est un.

La découverte de notre base de l’ennéagramme permet en effet, par la prise de conscience de nos motivations profondes, de faire la lumière sur certains nœuds de notre vie. Elle peut également servir de révélateur des talents et nous aider au discernement spirituel. Notre manière de prier enfin, n’est pas la même en fonction de notre base et le savoir peut se révéler une aide précieuse pour avancer dans ce domaine.

Prodiguée dans les règles de l’art de la tradition orale de l’ennéagramme, cette formation sera dispensée de manière neutre, mais prendra pour modèles des exemples de saints ou des personnages bibliques et se transmettra dans le cadre d’une anthropologie chrétienne.

Comme toujours, mon rôle se cantonnera à celui d’un passeur qui donne à ses stagiaires une carte et une boussole pour suivre leur chemin propre. Chacun sera libre ensuite, dans les temps personnels proposés, de demander l’aide d’un religieux pour l’accompagner dans telle ou telle voie personnelle qui aura été éclairée en stage.

« Le Christ veut sauver tout l’homme : dans son corps, sa vie morale, théologale mais aussi psychologique. » écrit le Père Pascal Ide dans un article sur les rapports entre vie spirituelle et psychologie. L’ennéagramme, comme d’autres outils, apporte sa contribution à une meilleure connaissance de soi qui ne demande qu’à être prolongée dans l’ordre surnaturel par d’autres moyens. 

« Dieu fait à l’âme une grande miséricorde lorsqu’il lui permet de se connaître. » écrit Thérèse d’Avila dans ses Demeures. Ainsi peuvent être levés certains obstacles que nous avons engrammés de façon inconsciente depuis de nombreuses années et qui empêchent la grâce de passer. Notre expérience nous a montré que cet outil peut permettre à certains de renouer avec leur vie spirituelle en se libérant d’un certain nombre d’entraves et ainsi, de se rendre plus disponibles à l’action de Dieu en eux

Métaphore de la base 3

unnamedL’ABEILLE
ou comment en deux jours, je suis passée du bulldozer à l’abeille

par Clémence, de base 3

Le bulldozer ne contourne pas les obstacles, il les prend de front, en fonçant bien dans le tas, en escaladant même s’il le faut. Il avance, coûte que coûte en continuant son chemin. Il est impressionnant et dominant. Peu de barrages lui résistent. Mais le bulldozer n’est pas vivant car il n’a pas de cœur.

Abeille_CoolAlors que l’abeille, surnommée la petite reine, vit. C’est une ouvrière qui travaille de tout son cœur et sans relâche car elle est consciencieuse, et souhaite un travail qui fonctionne. Elle vit en société organisée et a besoin des autres abeilles pour que le travail soit abouti même si elle est indépendante et qu’elle butine seule. Par son labeur, l’abeille produit du miel. C’est le fruit de son acharnement. On ne le sait pas car l’abeille est mystérieuse, mais elle doit certainement tirer grandes satisfactions lorsqu’on aime son miel, si bon pour la santé. Elle est efficace car elle transforme aussi sa récolte en cire, propolis ou gelée royale.

L’abeille est polyvalente et a même un grand rôle dans l’écosystème, la pollinisation. Elle rayonne en transportant le pollen qui permet la reproduction des plantes. Quand elle apparaît, elle attire toute l’attention. On la remarque par son vol qui fredonne. Il se peut que certains la redoutent, mais c’est une fausse idée car l’abeille ne gêne pas. Elle continue ce pour quoi elle est faite. Si on la dérange, elle ira butiner sur une autre rose.

En revanche, c’est une ménagère qui défend son territoire, si on l’attaque, elle pique mais ce n’est pas par plaisir, et la douleur peut être un électrochoc. Besoin de lumière, de soleil, de chaleur, l’abeille ne résiste pas au gel. L’abeille n’a pas une taille de guêpe car elle a toujours de bonnes victuailles dans ses pattes dans le souci de nourrir l’autre. Elle vole, elle butine, elle vit pour sa mission. Dommage que l’humain la craigne, car l’abeille aimerait peut être qu’on l’aime pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle produit.

L’écureuil : métaphore de la base 7

10171841_10205458306765385_5792206469532640303_nL’ÉCUREUIL
par Marie, de base 7

C’est le printemps et il est tôt, je m’éveille doucement; c’est moi l’écureuil, vous me connaissez…

Toujours en quête de nouveauté, je saute de branche en branche à la recherche de toutes sortes de plaisirs. Je ne pense qu’à m’amuser. Je suis gourmand d’aventures et de projets. Je me maintiens dans cet état pour échapper à la souffrance. Ma curiosité me pousse toujours vers l’inconnu bien plus attrayant que mon quotidien. Pourquoi focaliser sur le présent quand l’avenir nous offre tant de merveilles ?

UNNAMED_cropJe n’aime pas repenser au passé, il est synonyme parfois de souffrance et je me garde bien de faire resurgir en moi ce que j’ai détesté. Je m’échappe donc en quête de réjouissances qui me feront tellement bien oublier le passé que j’aurai du mal à me rappeler des éléments douloureux.

Et le présent ? Je le fuis avec beaucoup d’ardeur, dans le rêve de nouvelles aventures. Même si je m’y sens bien quelquefois, mon cerveau fonctionne tellement vite que je ne peux m’empêcher d’être encore une fois absent de ce présent dans lequel je pourrais pourtant me sentir si bien…

Finalement je ne me sens pas bien ; ni au présent, ni au passé ; et le futur dans lequel je me crois tellement bien, lorsqu’il devient présent ne m’attire plus… Je rejette joyeusement ce que j’ai souhaité !

Et vous me voyez, là, dans les branches, sautant joyeusement ? La nature ne me met aucune limite… si vous saviez comme j’aime cette liberté. Mais finalement cette gaieté n’est que façade, je cherche juste à échapper aux contraintes et à ce présent trop pesant… Et si j’amuse la galerie, c’est mon petit côté gonflé d’orgueil car j’aime que l’on m’admire.

Alors que fait ce petit écureuil pour corriger ses défauts ? Je me mets au travail sérieusement, je récolte précieusement ma nourriture pour l’hiver et la cache à un seul endroit que je n’oublierai pas, au lieu de m’éparpiller en tous lieux. Je n’en suis capable qu’en prenant exemple sur mes deux amis : la fourmi perfectionniste dont je voudrais bien avoir la ténacité et le hibou observateur qui se pose pour analyser les choses et profiter de la vie telle qu’elle est !

Renoncer à soi-même ?

arton220-00b85EGO, PAIS ET UIOS
ou les trois dimensions de la personne

Dans un article de la  Vie consacrée paru chez Desclée de Brouwer en juillet-août 1972 (p. 236-249) et consacré à la vitalité spirituelle personnelle, le père Albert-Marie Besnard, op, auteur des très beaux Propos intempestifs sur la prière, pose la question de l’ambivalence entre le précepte évangélique de cultiver ses talents et celui de renoncer à soi-même. 

Étonnants sont les échos avec la démarche de connaissance de soi qu’offre l’ennéagramme et les moyens concrets que propose la méthode Vittoz pour éduquer la volonté et choisir librement ce que l’on veut faire des talents reçus.  

Extraits.

« Aucun renouveau de la vie religieuse n’est possible si l’on ne l’assure pas par les deux bouts à la fois : par la rénovation institutionnelle et par la transformation personnelle. […] Chacun est sollicité de développer ses dons personnels sous la mouvance de l’Esprit au service de tous. […] Qu’advient-il en tout cela du si rigoureux renoncement à soi-même exigé par le Christ? 

Notre langage spirituel (y compris celui de nos constitutions) est farci de déclarations magnifiques, mais la tradition concrète qui nous tient ce langage est incapable de nous fournir les moyens adéquats de pratiquer ces choses. A force de dire et de ne pas faire, non par hypocrisie mais parce qu’on ne sait pas comment s’y prendre, on décourage les meilleures volontés.

Il ne s’agit de rien de moins que d’une transformation radicale de cette conscience de soi. […] [Celle-ci] tend à se réduire au « mental », […] dans ce champ rétréci, la Parole de Dieu, les symboles sacramentels, les convictions spirituelles se réduisent à leurs ombres chinoises. […] Ce mental agité est perpétuellement traversé par des décharges affectives incohérentes. C’est que, obligés à faire bonne figure dans un champ social ou professionnel où règne un consensus d’objectivité rationnelle, nous demeurons pourtant en proie à tous nos démons familiers (la peur, le besoin de sécurité, l’envie d’être applaudi, etc.), qui trahissent et cachent les configurations tourmentées de notre inconscient. Ils nous dénoncent comment centrés sur nous-mêmes. Nous n’en convenons pas volontiers, et cela rajoute à ce premier mal celui de demeurer en état de mensonge. »

[Les] sciences [psychologiques] ont infiniment à nous apprendre, mais […] rares sont ceux qui sont qualifiés pour les mettre en œuvre. Par contre tous, tant que nous sommes, avons dès cet instant même à avancer sur le chemin de la transformation personnelle et avons besoin pour cela de repères empiriques.

Qui suis-je ?

[…] EGO, c’est celui qui est devenu, au fil des circonstances […] le pauvre diable que je suis et que j’aurais tort de vilipender. EGO, c’est le petit enfant que j’ai été, marqué par les peurs du dedans et les interdits du dehors ; c’est la somme des conflits ensevelis dans l’inconscient, et c’est donc l’individu stigmatisé par les diverses contractures névrotiques qui ont résulté de ces conflits et qui en sont la solution de fortune. […] C’est celui qui doit faire « bonne figure » en toutes sortes de situations à la hauteur desquelles il n’est jamais tout à fait, […] et qui investit une énergie psychique considérable en compromis, en défenses, en précautions, en agressivités. […] Il traîne une anxiété, un malaise permanent, qu’il lui faut compenser ou faire oublier.

[…] PAIS, c’est mon être authentique, […] d’un mot grec qui signifie serviteur, […] toujours au service de quelque chose qui le dépasse et l’accomplit […], tel qu’il a été créé par Dieu à son image et ressemblance. […]

Il est appelé à devenir UIOS, fils dans l’Unique Fils de Dieu.

[…] Ce qui m’apparaît pouvoir être une véritable révolution dans nos vies, c’est de décider que ces choses que l’on sait, il s’agit de les vivre. […] [C’]est une responsabilité grave pour quiconque l’entrevoit. […] Elle est, en tout cas, l’une des conditions essentielles pour que toutes les autres transformations, évolutions ou révolutions, que notre raison historique nous fait estimer nécessaires, ne deviennent des impasses où des masses entières se trouveraient prises au piège.

[…] Quelle instance efficiente va mettre en œuvre la libération de PAIS de l’EGO qui le parasite, et ainsi préparer l’avènement d’UIOS ? Cette instance, […] appelons-le BOULÈ, de l’un des mots grecs qui signifient la volonté […]. Par les impasses de plus en plus douloureuses où se débat EGO, […] par l’aspiration de PAIS […] qui a quelque chose d’irrésistible parce que notre vitalité naturelle profonde va tout entière dans ce sens ; […] par l’espérance théologale de devenir UIOS, […] voici donc ma BOULÈ acquise à la cause de la transformation personnelle, ma volonté devenue « bonne volonté » pour faire quelque chose dans cette direction. J’insiste sur le faire : il s’agit d'[…] une praxis quotidienne.

[…] Laisser tomber EGO : […] ce que le christianisme appelle conversion (metanoia), […] « dépouiller » ou « déposer » le vieil homme (cfr Ep 4, 22). […] Grâce à ses complicités avec notre inconscient, il est tout à fait capable de se renforcer de ce par quoi nous voulons l’humilier et de s’engraisser de ce par quoi nous croyons l’affamer ! […] Mais en réalité, il y a dans EGO une faiblesse radicale : il ne survit qu’à coup de défenses. Dès que BOULÈ réussit à « laisser tomber » telle ou telle défense, EGO perd la face et je peux commencer déjà à m’identifier à PAIS.

[…] Je suis persuadé de l’unité psychosomatique de notre être (et même pneumo-pscyho-somatique !). Impossible donc de pratiquer sur le spirituel sans pratiquer sur le psychique et sans pratiquer sur le corps.

« Laissez tomber » les muscles du visage, ce que justement, on appelle le masque. […] « Laisser tomber » le poids du corps dans ce que les japonais appellent le hara (le lieu du ventre), afin d’asseoir notre être dans un véritable centre de gravité : notre être physique et, par entrainement, notre être psychique, […] c’est une mise en place de soi-même en position de force.

[…] De tels chemins impliquent une initiation qualifiée, mais enfin il est important de dire que certains exercices de silence, convenablement poursuivis, sont une manière efficace de laisser tomber EGO. Dans la ligne des pratiques plus traditionnelles et à la portée de tous, cet exercice peut se concevoir sous la forme de la recherche de la pureté d’intention. Pour qui n’a aucun connaissance de sa propre complexité intérieure, une telle recherche est illusoire et apparaît alambiquée, elle serait d’ailleurs vite retournée par EGO et à son profit. Mais pour celui qui a le discernement de son propre esprit, elle a un sens et est fort ardue à suivre.

[…] En tout cela, il s’agit de s’exercer. Exercice, le mot fait sourire et la chose répugne. […] Nos contemporains sont vite culpabilisés s’ils ont l’air de distraire, pour des pratiques apparemment sans utilité immédiate, des moments qu’ils disent devoir au service d’autrui, à leurs tâches, à leurs relations. […] Un type d’exercices qui, pour austères qu’ils paraissent, contribuent à long terme à nous équilibrer […] n’a de sens que s’il permet peu à peu d’étendre l’attitude correcte qu’il instaure jusqu’à tous les instants de la journée. […] Mais il ne s’agit pas pour autant de chemins contraignants et raboteux : l’ascèse authentique et utile est expérience d’élargissement, de plénitude, de joie réelle.

[…] Ce sont les mêmes exercices qui permettent de laisser tomber EGO et d’apprendre à se tenir de manière juste dans l’existence. Cette manière juste est avant tout une attitude de tout l’être (y compris du corps) qui consiste, appuyés sur une force intérieure qui nous est toujours donnée, à accueillir toute la réalité du moment et de la circonstance présente. Alors nous pouvons répondre à la situation par une action pertinente. Relisez l’Évangile et vous verrez qu’en effet Jésus a vécu ainsi.

Je parle d’une force intérieure qui nous est toujours donnée, je veux dire qui est toujours donnée à PAIS, pas à EGO. Car elle n’est donnée qu’à celui qui a dépassé les peurs, y compris celle de la mort ; à celui qui ne se recherche plus lui-même mais ne veut qu’être le parfait serviteur de la vocation qu’il a reçue. […] Son chemin devra passer par la souffrance, la défaite ou la mort, il franchira le passage en homme noble, de la manière juste, celle par laquelle encore il glorifiera Dieu.

[…] Notre ambition est à la fois plus haute et plus humble : restaurer en nous notre humanité simple et forte, à l’image de celle de Jésus de Nazareth. La force qu’expérimente PAIS n’est donc pas un pouvoir pour dominer ou triompher, mais une capacité d’accepter et de se situer correctement dans la conjoncture. Elle fait vivre dans le présent.

[…] Le temps me manque pour parler de la respiration comme lieu d’exercice possible (au sens défini plus haut) pour cette étape, et comme indice de la justesse de notre attitude. […] S’ouvrir à l’Esprit n’est pas, comme nous le croyons, une belle formule sans contenu possible, c’est un acte précis et qui s’exerce, notamment dans l’oraison.

[…] L’absence de Dieu pour notre EGO peut, si elle est ressentie avec souffrance et étonnement, conduire à la découverte qu’il s’agit peut-être de devenir un autre pour percevoir le Dieu toujours présent, toujours là quand on l’invoque, […] un Dieu à la fois moins immédiat […] et plus indéniablement proche.

[…] Cette transformation est l’œuvre de la grâce. Mais nous y coopérons par un oui des profondeurs. Ce oui, il faut le tenir (comme on parle en musique d’une note tenue par l’archet). Il se tient dans la fermeté d’un silence [qui] est comme une assise sur laquelle notre vie active peut s’édifier avec plus d’assurance et de sérénité.

[…] Comme nous avons besoin qu’on nous enseigne autre chose que des méditations paresseuses où l’on enfile simplement des « idées » comme les perles d’un collier, mais le chemin de l’esprit qui se distend au maximum pour appréhender ce qui lui est destiné et qui lui échappe, et qu’il ne percevra qu’après avoir trouvé la fissure qui conduit à la vérité par-delà le sens. Et qui donne un contenu expérimental au mot : adoration.

[…] Nous voyons bien quel moi doit mourir : l’EGO. Non pas que l’abnégation évangélique ne demande aussi à PAIS, un jour ou l’autre de sacrifier sa vie, mais PAIS est prêt en profondeur à cette éventualité-là  ; il peut vivre à fond et sans inquiétude ni culpabilité car il sait mourir, et il sait qu’il ressuscitera en UIOS. »