Archives de l’auteur : Valérie Maillot

Une époque formidable

UNE EPOQUE FORMIDABLE
Témoignage de confinement / 1
par François, de base 7 en social

Le confinement pour moi est un mélange étrange d’atmosphère joyeuse et anxiogène.

Il est certain que le vivre en famille complète et dans une maison avec jardin n’est pas la même chose que si
j’avais été seul dans un petit appartement parisien. Cela aide à un bilan largement positif.

Toujours est-il que la famille étant réunie et composée de personnalités riches et toniques, ce temps de confinement ressemble à un apéro géant où, le soir venu, je jette un défi à la tristesse, à
l’angoisse et au fantôme de la mort. J’ai assuré mes arrières, ne risque pas de manquer. Le moment convivial est encore plus important que d’habitude et ne saurait faire défaut, au risque de tomber dans une morosité inquiétante. Car la face sombre du tableau existe bien: sans doute, plus encore qu’à l’accoutumée, les insomnies sont au rendez-vous, les rêves tournent au cauchemar et se sont assez substantiellement modifiés. Il s’agit d’une angoisse de mort, aiguisée par cette fameuse peur de souffrir si commune aux personnes de base 7 et qui, dans les circonstances actuelles, prend la forme d’une menace précise. Face à cela, le recours aux plaisirs est encore la réponse la plus adéquate.

Pendant la journée, je m’adonne au travail intellectuel qui est pour moi un plaisir intense. Mon activité professionnelle me permet cela. Dans mon bureau, situé dans l’annexe de la maison, entouré de mes livres, baigné toute la journée par la musique classique ou pop, selon l’humeur et l’envie, j’avance comme jamais sur ma thèse. Seul, l’esprit mobilisé, je jubile de trouvailles en découvertes. Ma flèche 5 est activée en permanence. Je suis capable d’éplucher des textes avec minutie, je ne rate aucune note en bas de page. Le projet commence à prendre forme, c’est jubilatoire.

En revanche, la flèche 1 que je n’ai jamais beaucoup activée demeure toujours sous-utilisée. Je
pense avoir compris que le passage en centre corps m’est très difficile, bien plus que dans le centre cœur au demeurant, et que même en temps de crise nécessité ne fait pas loi.

En fin de journée, quelques parties de ping-pong m’aident à déconnecter de mon mental (il est amusant de constater que quand je pense au coup d’avant, je perds systématiquement le point). Et la réunion familiale le soir autour de quelques verres permet d’assurer la dose d’échanges nécessaires.

Le social que je suis met évidemment sur le tapis les sujets politiques du moment, ou plutôt de l’après. Toujours dans l’anticipation de ce qui va arriver. Cette période est passionnante car notre monde est à reconstruire. Le bouillonnement intellectuel m’électrise. Je lis l’économiste jésuite Gaël Giraud, je suis à fond sur Facebook. Le soir, j’ai entrepris de relire tout Julien Green. M’ennuyer moi ?

La frustration est cependant réelle de ne pas pouvoir sortir de notre cadre agréable. La forêt est interdite d’accès alors qu’elle est en face. Outre le plaisir que cela m’ôte, c’est aussi une belle
occasion d’être dans mon corps, par la marche consciente vittozienne, qui s’envole. J’ai néanmoins décidé d’appliquer scrupuleusement les règles, du fait sans doute de mon aile 6 et de mon sous-type social prêt à sacrifier ses plaisirs pour le bien du groupe.

Heureusement, le marché a réouvert, et je vais en ville deux fois par semaine. J’éprouve un plaisir intense à échanger avec la pharmacienne, la fromagère, le caviste ou le libraire qui organise un drive. Parler à ces personnes extérieures au cadre familial est vital: tout en étant comblé par la présence de ma famille réunie, la vie ne saurait s’arrêter au cercle de la survie. J’appelle mes meilleurs amis alors que je n’aime pas vraiment le téléphone. Je suis les Facebook live de notre maire, et surtout je rate le moins possible des concerts à la maison que donnent les song-writters pop que j’aime sur Facebook. Tout un monde artistique est en train de se réinventer: j’ai l’impression de participer à une aventure incroyable, d’appartenir à une
communauté d’amateurs éclairés et je me dis que cette époque est, vraiment, malgré tout
formidable…

de la peur

Le cri d’Edward Munch

LA PEUR
Pourquoi, comment

La peur est une des quatre émotions principales avec la colère, la tristesse et la joie.

Si nous prenions l’image d’une boussole, le Nord serait la joie. Les trois autres interviendraient à l’occasion d’un événement, comme une information à écouter et une énergie pour agir, afin de retrouver le Nord.

La peur prévient d’un danger, c’est UNE INFORMATION. Si nous n’avions pas peur, nous n’anticiperions pas et ne pourrions nous garder du danger; si les enfants n’avaient pas peur des voitures, ils se feraient écraser. La peur appelle la prudence.

La peur est UNE ENERGIE qui nous permet d’activer plusieurs mécanismes de défenses:

  • L’attaque
  • La fuite
  • Quand ni l’une ni l’autre ne sont possibles, une troisième entre en jeu: la sidération. Elle permet de moins souffrir ou de prendre le temps de latence nécessaire à la transformation de l’événement par la réflexion.

Chez la gazelle, la fuite face au guépard est la seule solution, jusqu’à ce que son cœur ne puisse plus suivre. La sidération prend alors le relais, toutes ses fonctions vitales fonctionnant a minima, elle tombe, comme morte. Au pire, elle souffrira moins en étant dévorée, au mieux:

La peur, comme toutes les émotions, est donc bonne en soi, tout comme les mécanismes de défenses qu’elle suscite.

LES PROBLÈMES qu’ils peuvent poser sont de:

            • prendre trop de place, voire toute la place, et d’empêcher ainsi d’accéder aux fonctions supérieures du cerveau qui permettent de proportionner la réaction à l’événement;
            • se déplacer: une peur non consciente peut se transformer en mauvaise humeur ou en colère décalée;
            • projeter un danger imaginaire, la plupart du temps par le biais d’associations à des peurs anciennes.

          D’après Daniel Goleman dans L’intelligence émotionnelle, seulement 8% des peurs reposent sur une base concrète, le reste est imaginaire.

        • « J’ai souffert de beaucoup de choses dans ma vie, disait avec humour Mark Twain, peu sont arrivées ».

       

    • Pour en savoir plus sur ce qui se passe neurologiquement en cas de réaction disproportionnée:

 

COMMENT DONC CONSIDÉRER LA PEUR POUR CE QU’ELLE EST
de manière proportionnée au danger et en faire une alliée?

LA MÉTHODE VITTOZ propose très simplement de l’accueillir corporellement:

      • Faire stop, trouver un endroit silencieux où l’on peut rester seul
      • Fermer les yeux
      • Sentir les manifestations de son corps: gorge serrée, ventre noué, transpiration, accélération du pouls etc.
      • Demeurer avec elles quelques instants, au besoin en plaçant la main sur la partie concernée
      • Suivre leurs évolutions, leurs déplacements, leurs transformations pendant une ou deux minutes,
      • …jusqu’à apaisement.

L’objectif n’est pas d’oublier la peur, la nier ou la tromper, mais:

      • d’apaiser le trop-plein et revenir au réel par le corps,
      • accueillir l’information pour ce qu’elle est,
      • pour retrouver un usage de sa raison proportionné à l’événement,
      • et utiliser l’énergie qu’elle a suscité pour une action juste et libre

« Quand une sensation est juste, la pensée est juste », écrit le docteur Vittoz

 

du goût conscient

MANGER CONSCIEMMENT
Christophe André
Sens & Santé, printemps 2019

« C’est un exercice classique des groupes de méditation en pleine conscience : les animateurs distribuent aux participants un grain de raisin sec. Puis, ils invitent chaque personne à l’observer, le renifler ; le poser sur sa langue pour en percevoir la texture et les premières saveurs, avant même de le mâcher; lui donner un premier coup de dent, s’arrêter pour explorer l’explosion de son goût dans la bouche; prendre ensuite tout son temps pour le mastiquer, le savourer, avant de l’avaler ; et rester encore quelques instants à observer la rémanence de son goût, les fantômes de ses saveurs…

Le tout en observant les pensées apparaissant durant l’exercice (bizarre ce qu’on nous fait faire…, à quoi ça sert tout ce cirque?), en accueillant les sensations ou impulsions prenant naissance dans le corps (la bouche qui salive, qui a envie d’avaler le grain d’un seul coup). L’exercice dure dix minutes environ ; dix minutes pour déguster un grain de raisin ! Ensuite, quelques questions sont posées à chaque participant: qu’avez-vous ressenti et vécu durant l’exercice? Procédez-vous habituellement ainsi avec un grain de raisin? Qu’est-ce qu’une telle attitude (prendre son temps, observer, ressentir) peut éventuellement vous apporter dans la vie?

La plupart des personnes sont surprises par la richesse de l’exercice: j’ai ressenti une impression de satiété avec un seul grain de raisin, étonnant!, je n’avais jamais réalisé toutes les saveurs contenues dans un grain de raisin sec, en général, je les avale sans y penser, c’est la première fois que je prends conscience de leur vraie saveur, je me rends compte que beaucoup de choses dans ma vie fonctionnent sur ce registre: je ne prends jamais le temps de ressentir et de savourer, de ralentir, de m’ouvrir à ce que je fais…

La méditation de pleine conscience peut apporter beaucoup de changements à notre manière de vivre au quotidien, et c’est d’ailleurs son but: ne pas se limiter à une série d’exercices apaisants, bien séparés de notre vie réelle (un temps pour méditer, puis tout le reste pour stresser!), mais nous transformer, modifier notre manière de vivre et d’être au monde. Et parmi ses mille et une conséquences, figure le changement de notre rapport à la nourriture et l’alimentation.

Trop souvent, nous ne sommes pas présents à ce que nous mangeons, parce que notre attention est tournée ailleurs: vers nos pensées et ruminations, vers des distractions (radio, télé, ou pire, usage d’écrans), vers des discussions (si nous sommes en groupe) ou vers une autre activité.

Johann Wilhelm Preyer

L’apprentissage de la méditation nous pousse à comprendre qu’il est précieux de régulièrement manger en pleine conscience, et d’être attentif aux aliments et à notre corps. Ce faisant, nous aurons plus de discernement quant à notre envie de manger : véritable faim? Ou simple réflexe conditionné, envie de manger parce que c’est l’heure, parce que nous sommes stressés, parce que nous nous ennuyons? Ou encore désir de lien et de partage social? Se nourrir en pleine conscience nous offre également plus de discernement quant à notre ressenti de satiété: ai-je vraiment besoin de me resservir de ce plat? Ai-je encore faim? Est-ce une simple gourmandise ? Ou la pensée qu’il ne faut pas gâcher ou jeter ce qui reste dans mon assiette? Mais alors pourquoi le jeter dans mon corps plutôt qu’à la poubelle?

C’est simple, n’est-ce-pas? Simplement manger, en pleine conscience, pleinement présent à ce que nous faisons, ressentons, pensons… Pas forcément à tous les repas, mais régulièrement, une fois ou deux par semaine, prendre son temps, approfondir la rencontre avec notre nourriture, reposer sa fourchette, terminer une bouchée avant de passer à la suivante.

Quel intérêt à cela?

D’abord, protéger notre santé: aujourd’hui, et sans doute pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une grande partie de la population mondiale (du moins en Occident et dans les pays émergents) n’est plus confrontée à la rareté mais à la pléthore.

La nourriture est omniprésente et relativement bon marché; il suffit de tendre le bras pour en disposer, sans effort de préparation ou d’accommodation, à toute heure du jour ou de la nuit. Les effets de cette pléthore sont dévastateurs: nous mangeons trop, trop souvent, et mal de surcroît (aliments saturés en sucre, sel et exhausteurs de goût).

De nombreuses études de psychologie expérimentale ont étudié ce qu’on appelle le régime de cafétéria: avoir à volonté des aliments attirants car très variés, très salés, très sucrés, etc. Ce type de régime a été proposé à des rats de laboratoire (dont l’alimentation et le métabolisme sont très proches des nôtres): des souches de rats jumeaux sont confrontées soit à un régime normal soit au régime de cafétéria; dans les deux cas, ils ont accès libre à la nourriture.

Les résultats sont nets: les rats de cafétéria deviennent très rapidement obèses et diabétiques. Et encore, ils ne regardent pas la télé et ne sont pas exposés à des publicités les incitant à grignoter à toute heure pour éviter les coups de pompe… Les humains, si!

D’où une épidémie de diabète et d’obésité inquiétante dans tous les pays soumis à cette martingale infaillible: pléthore de mauvaise nourriture, sur fond d’incitations multiples à trop manger, et trop souvent. Manger en pleine conscience nous immunise peu à peu face à ces incitations et impulsions à tout avaler machinalement. En pleine conscience, on réalise beaucoup mieux que ce que l’on mange est trop gras, trop sucré, trop artificiel, et que l’on mange trop, trop vite.

Ensuite, manger en pleine conscience fait de nous des humains plus avisés et respectueux de leur environnement, en nous aidant à comprendre la valeur de tout ce qu’il y a dans notre assiette. D’où viennent ces fruits et ces légumes? À qui les ai-je achetés? Qui les a cultivés, cueillis, acheminés vers moi? Puis-je prendre conscience de tout ce qu’il a fallu de bienfaits de la Nature, et d’efforts humains, pour que cette nourriture arrive dans mon assiette? Ce serait une erreur et une faute de ne pas la respecter. Et la respecter, c’est la savourer, ne manger que ce dont mon corps a besoin, ne pas la gaspiller, et la partager…

Notre société a brisé notre rapport à la nourriture, nous a fait oublier son caractère sacré: reprenons-en conscience!

Santé et sacré, voilà pourquoi il est précieux de régulièrement revenir à la présence et à la conscience: dans le silence et la lenteur, se recueillir pour savourer chaque bouchée. En observant son corps. En interrogeant son esprit. En se sentant heureux d’être en vie. »

 

Qu’est-ce que la conscience ?

QU’EST-CE-QUE LA CONSCIENCE ?

Beaucoup de courants de psychologie contemporaine, mettent la conscience au centre, comme moyen de connaissance de soi, des autres et du monde et comme moyen de progression. Nous aussi. Mais qu’est-ce que la conscience? Une instance subjective inviolable qui n’admet pas de règle extérieure/supérieure? Une conviction intime qui rejoint le réel mais ne peut être confirmée/infirmée de l’extérieur? 

La réponse de saint John-Henry Newman pensée par Benoît XVI me semble – pour utiliser des termes vittoziens – faire la différence entre une conscience emissive (la raison se projette sur l’objet) et une conscience réceptive (la raison reçoit sa forme de l’objet). Ainsi, l’obéissance à la vérité (pour soi, pour la relation à l’autre, pour le monde), ou je préfère dire la volonté de cheminer vers la vérité, emprunte toujours les voies de notre subjectivité, qui se laisse informer. Comme pour l’inspire-expire conscient de la respiration vittozienne, l’alternance subjectivité-objectivité de la conscience est un chemin vers la vérité toute entière, qui demeure un horizon. Autrement dit avec Gustave Thibon dans L’Ignorance étoilée : « L’étoile divine est intérieure et invisible; elle éclaire l’âme du voyageur et non le chemin où il marche; elle nous donne assez de foi pour aller au-delà de tout, mais elle ne dispense de rien.”

Discours du pape Benoît XVI à l’occasion de vœux à la Curie romaine, Salle Royale du 20 décembre 2010:

« En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience. Mais qu’entend-on par cela ?

Dans la pensée moderne, la parole conscience signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot conscience on exprime justement ceci: dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences.

La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui conscience signifie la capacité de vérité de l’homme: la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert.

Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience – un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui. »

 

Père et fils

PÈRE ET FILS
par Xavier
de base 7

Emile Friant

J’ai commencé le parcours ennéagramme il y a trois ans en ayant fait le module 1 dans un cadre professionnel et le module 2 avec vous. Cela m’a permis de comprendre un certain nombre de mécanismes et de modes de fonctionnement/approches du réel. Pour autant mes relations avec mon père concernant un sujet sensible – une maison de famille – étaient toujours compliquées.

En effet mon type 7 est plutôt porté sur la projection/vision et aime anticiper, organiser, prévoir. Or de nombreux sujets concernant cette propriété nécessitaient, à mon sens, un minimum de projections. A chaque fois que l’échange avec mon père portait sur le sujet, je le voyais fuir l’exercice et m’avouer à l’issue de nos échanges ressentir une forme de pression, de panique. Il avait l’impression d’être contraint par le temps, la situation. Dans mon esprit c’était tout l’inverse qui devait se produire: c’était justement en définissant une vision puis en planifiant et anticipant les différentes étapes d’un projet que mon père devait pouvoir être rassuré et ne pas être pris à la gorge en cas d’urgence!

Malgré l’ennéagramme, je ne comprenais pas mon père et le trouvais inconséquent et incapable de décider. Je trouvais qu’il subissait la situation. De son côté il me trouvait rouleau compresseur et un peu perché dans mes visions conceptuelles (quel rôle doit jouer une maison de famille? Quelle est sa vision de la retraite? …). C’est à l’issue du module 2 en écoutant le panel des bases 9 qu’un déclic s’est produit! J’ai émis l’hypothèse de ce profil chez mon père et j’ai commencé à aborder nos échanges de façon différente en lui faisant part de mes découvertes. Cela l’a vivement intéressé et après plusieurs discussions au sujet de l’ennéagramme, il a décidé de s’inscrire au dernier module 1 et… s’est assez vite reconnu dans le profil 9.

Il continue son parcours d’introspection et de progression comme moi le mien. On ne se comprend toujours pas au sujet de la maison (et d’autres sujets d’ailleurs) mais désormais on sait pourquoi. Les grands fruits de ces évolutions parallèles sont une meilleure compréhension de l’autre, une meilleure écoute, l’arrêt du jugement de valeur et surtout le lâcher prise! J’ai désormais pleinement conscience que nous avons chacun notre rythme propre et qu’il fera son chemin selon son tempo, avec ses propres prises de conscience et surtout ses propres objectifs, probablement assez éloignés des miens.

Sans enlever les difficultés/situations douloureuses … nos échanges, éclairés de la sagesse de l’ennéagramme, ont au moins permis un apaisement !

Si c’est pas beau ça !

Entretien avec Zélie

ENTRETIEN AVEC ZELIE
Février 2020

Quels étaient vos rêves de petite fille ?

Des rêves de liberté ! Ce qui n’a pas fait de moi une enfant ni une adolescente faciles: je cherchais, provoquais parfois pour comprendre, creuser, me poser la question du pourquoi. Je me suis faite remettre à ma place plusieurs fois, avec souvent l’impression de ne pas être comprise. Mais cela m’a appris à ne pas me contenter de l’apparence, à tenter au risque d’échouer, à me donner les moyens de cette liberté. D’abord de manière un peu maladroite et rebelle, puis en apprenant à élargir mon point de vue, à observer, écouter, à me remettre en question, à me dire que finalement ce n’était peut-être pas le monde qui devait changer, mais moi-même.

Vous êtes chrétienne ; comment avez-vous rencontré Jésus ?

J’ai été élevée dans une famille catholique pratiquante où j’ai reçu une éducation chrétienne et une formation solide. Je crois que j’ai coché toutes les cases. Mais si vous parlez de rencontre personnelle, ce fut beaucoup plus tard et pas à mon initiative, il y a une douzaine d’année dont je vis encore aujourd’hui, et que je garde pour moi si vous le voulez bien. Et puis il y a eu toutes les rencontres dues aux épreuves: celles de la vie, des amitiés, de l’accident grave d’une de nos filles. Je crois que quand on est vulnérable le Christ se donne à connaître d’une manière toute particulière.

Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir formatrice à l’ennéagramme ?

Un désir de changement ! Car j’ai d’abord exploré cet outil pour moi-même. Il m’a appris à prendre du recul, à changer mon regard sur moi-même, sur les autres, sur le monde. A distinguer ce qui vient de ma nature de ce que je peux en faire. En bref, il m’a appris à être plus libre, avec comme fruit principal plus de paix intérieure. Et quand on a beaucoup reçu, c’est tout naturellement que vient le désir de transmettre. C’est un émerveillement toujours renouvelé d’être le témoin de la beauté des personnes, leur bonne volonté et de la manière dont elles s’emparent de l’outil et prennent les moyens de bouger. Il y a aussi une notion de responsabilité dans celle de liberté et comme le dit Etty Hillesum, notre responsabilité est d’irradier la paix reçue dans ce monde en ébullition.

Pouvez-vous nous présenter l’ennéagramme, et l’intérêt de cet outil ?

L’ennéagramme est une cartographie de la personnalité en neuf points, du grec ennea gramma, comme il en existe depuis toujours, en tous cas depuis les pères du désert avec Evagre le Pontique (qui distinguait huit profils proches de ceux de l’ennéagramme). Il permet de faire la lumière sur nos motivations profondes, souvent inconscientes, de découvrir qu’elles correspondent à un talent propre, mais aussi à des travers. En les connaissant mieux, il est plus facile d’adoucir les uns et de mettre au service les autres.

Par exemple si on est de base 9 et que notre motivation fondamentale est l’harmonie, nous aurons des compétences pour l’écoute et la compréhension de l’autre, mais avec parfois une difficulté à l’affirmation de soi par peur du conflit, avec un risque d’inertie. Le but du jeu est d’en prendre conscience et de développer sa vertu propre qui est l’action juste, c’est-à-dire, d’oser la confrontation au risque d’une disharmonie apparente, pour un positionnement juste. Et ce qui est intéressant dans cette action juste – qui demande un travail – c’est que c’est ce qu’elle a à apporter au monde: l’action juste est le propre de la base 9. Et c’est ainsi pour les 9 bases, nous avons besoin de chacun pour que le monde tourne. Je n’ai jamais aimé cette phrase commune : personne n’est indispensable. Je lui préfère de loin un chacun est précieux.

Vous proposez cinq modules de formation, de deux jours chacun (et vous avez déjà formé plus de mille stagiaires!). Pouvez-vous nous décrire ces différentes étapes ?

 Les trois premiers modules sont, je pense, nécessaires pour avoir une connaissance complète de l’outil. Pour faire simple:

  • on y découvre son profil dans le premier dans une formule très interactive avec alternance de topos, d’expérimentations en petit et grand groupe et de travail à la vidéo;
  • on apprend à mieux comprendre celui des autres dans le second  par le biais de panels, spécificité de la tradition orale à laquelle je suis formée, selon le principe que la personne est la mieux placée pour parler de ce qui la meut. C’est un module qui est très beau, très humain;
  • et on y trouve des clés concrètes d’évolution dans le troisième, le sous-type étant le lieu de l’incarnation du type, l’endroit où il se manifeste dans le quotidien.
  • Le quatrième, sur les émotions, est mon chouchou. Elles ont parfois mauvaise presse ces émotions qui peuvent pourtant devenir nos meilleurs alliés, pourvu que nous les accueillions pour ce qu’elles sont: des sources d’informations sur nos besoins et une force pour l’action.
  • Le cinquième est plus axé sur la communication entre les différents profils, en creux et en plein, et les moyens que nous pouvons prendre pour avancer dans ce domaine.

Les cinq se déroulent dans une atmosphère de grand respect mutuel et de bienveillance. Comme une parenthèse de douceur dans « ce monde en ébullition » que j’évoquais tout à l’heure, selon la phrase d’ Etty Hillesum.

Racontez-nous le témoignage d’une personne pour qui la connaissance de son profil dans l’ennéagramme a été un moyen de grandir en liberté et d’avancer, dans sa vie personnelle, et également dans la relation aux autres.

 Il va être difficile de choisir. Nous recevons un public très varié : étudiants et retraités, fiancés, pères et mères de famille, et religieux/ses, prêtre, mais aussi chefs d’entreprise, soignants, enseignants et j’aime cette diversité. Je choisirais celui d’une jeune femme de base 3 pour qui la réalisation est la motivation principale et qui nous est arrivée proche du burn out. Croyant que pour être aimée, il lui fallait dépenser son énergie à 200%, elle était en train de se brûler les ailes, autant dans le domaine professionnel que personnel. Elle était pressée, il fallait qu’elle fasse les cinq modules rapidement. Et nous l’avons vu doucement ralentir au fil des modules, reconnaître ses limites, prendre le temps de la relation gratuite. C’était un petit combat où elle cherchait, encore, à trouver les solutions les plus efficaces. Jusqu’au dernier module où, le visage paisible, elle me dit à la pause que du jour où elle avait cessé de chercher à contrôler, un nouveau travail moins dévorant s’était présenté, en même temps qu’une relation amoureuse stabilisante. Elle avait appris non plus à fabriquer sa vie mais à la recevoir. Compris en quoi elle pouvait mettre au service cette énergie vitale spécifique des bases 3, cette efficacité, cette capacité de réalisation au service.

Vous proposez des formations à l’ennéagramme en entreprise. En quoi cet outil est-il utile dans la vie professionnelle ?

Les formations en entreprise sont plus délicates et je conseille toujours aux responsables d’envoyer les personnes se mêler à un groupe mélangé plutôt qu’à se former en interne. Il est important qu’une personne soit parfaitement libre pour se remettre en question, et ce n’est pas toujours le cas dans le domaine professionnel. Mais nous avons eu de belles expériences avec des équipes dont l’éthique commune a permis un beau travail. Je pense à une équipe de cancérologues qui nous a édifiés. Ils avaient besoin de rire, et l’on comprend pourquoi. Le stage fut très joyeux… et très profond. Je pense aussi à celle d’une maison d’édition qui est venue en équipe et qui me disait au moment des vœux à quel point l’ennéagramme leur permettait encore aujourd’hui, plusieurs années après, de rire ensemble des petites incompréhensions quotidiennes et de s’accueillir mutuellement pour mettre en commun ce qu’ils ont de meilleur.

Sur votre site, on peut lire que dans votre formation à l’ennéagramme, « l’outil est présenté de manière neutre, mais il est arrimé à une anthropologie aristotélicienne et chrétienne. » Qu’est-ce que cela signifie ?

C’est en effet ce qui fait notre spécificité, c’est un créneau choisi car il nous a semblé important de donner un cadre anthropologique clair et solide à un outil qui s’intéresse à la personne. De formation philosophique au départ, c’est tout naturellement que je me suis tournée vers l’éthique aristotélicienne, notamment par sa définition de la vertu, définie comme un juste milieu entre deux excès. Pour Aristote, l’homme est fait pour le bonheur et a une orientation spécifique vers le bien, spécifique car il est limité. C’est un peu comme le versant d’une montagne, qui n’est pas le seul accès possible mais qui permet, comme les autres, d’accéder au sommet.

Quand une personne se découvre en base 6 par exemple et qu’elle réalise que son moteur est la peur, la bonne nouvelle est de savoir dans le même temps que sa vertu propre est le courage, qui n’existe pas sans peur, et qui est un juste milieu entre la couardise et la témérité comme le dit Aristote dans l’Ethique à Nicomaque. Et que ce courage, il en est le porte-flamme, il est là pour ça. L’autre bonne nouvelle est qu’en activant sa vertu propre de courage, selon le principe de saint Thomas de la connexion des vertus, il devient dans le même temps plus sereine, plus généreuse, plus équanime etc.

Par ailleurs, la clarification de ses talents propres peut aussi donner quelque chose à voir de notre petite mission dans le monde: que la personne de base 2 est faite pour prendre soin de l’autre, sans être envahissante, celle de base 8 est faite pour la protection, sans écraser, celle de base 7 est faite pour l’enthousiasme, sans superficialité.

D’ailleurs, pouvez-vous nous préciser pourquoi il est important de ne pas considérer un outil psychologique comme un moyen spirituel, de salut ? (même si cela peut y contribuer, indirectement) 

Très important ! Central. Pour en parler j’aime utiliser l’image des trois cercles concentriques de Simone Pacot. Pour elle, le cercle extérieur est celui du corps qui est ce qui m’apparaît en premier: vous êtes brune Solange, jeune, les yeux bleus. Le cercle suivant est celui de la psyché, qui m’échappe déjà beaucoup plus déjà: votre tempérament, mais aussi votre histoire, votre éducation, votre culture. Le troisième est celui du cœur profond, de l’unicité de la personne (Saint Paul l’appelle l’esprit, on pourrait aussi parler de fine pointe de l’âme, de for interne). C’est le lieu de sa vie spirituelle, de son rapport à Dieu, un peu comme la septième demeure de Thérèse d’Avila. Il est important de souligner et je le fais en stage de manière assez appuyée, que l’ennéagramme s’occupe du deuxième cercle, celui de la psyché et jamais du troisième qui est un lieu intime et profond où le formateur ou le thérapeute ne pénètrent jamais.

Cela dit, comme vous l’évoquiez, l’homme ne peut se saucissonner en tranches et il existe des interactions permanentes entre ces trois cercles: vous avez pu constater qu’une baisse de forme aura une influence sur votre humeur et votre vie de prière et à l’inverse, votre vie intérieure peut rayonner sur votre visage. Nous invitons donc les personnes à faire ces liens par eux-mêmes, au besoin à l’aide d’un accompagnateur spirituel, pour tendre à l’unité. En bref, l’ennéagramme peut lever certains obstacles psychologiques à l’accueil de la grâce, lui en faciliter l’accès, mais jamais devenir un outil prométhéen, ni s’y substituer. D’où l’intérêt d’un cadre anthropologique clair.

Vous animez cette formation à l’ennéagramme avec votre mari François Huguenin, lui-même éditeur et écrivain. Qu’est-ce que cette collaboration apporte à votre couple ?

C’est une école de vie ! Pour tout vous dire les débuts ont été musclés. Nous sommes de deux caractères bien différents et il nous a fallu développer une grande écoute mutuelle pour tendre à ce que nos différences ne s’opposent pas mais se complètent, pour que nos manières de voir les choses s’accordent et s’harmonisent. François est plutôt intello et je suis plus pragmatique. Le cadre rationnel et les exemples historiques sont ses points forts et je développe plutôt un accompagnement personnel. Les deux sont importants et comme la respiration, nous avons appris à insuffler l’un et l’autre au gré des besoins du groupe.

Une autre approche qui vous intéresse particulièrement est celle de la psychogénéalogie. Pourquoi ?

L’ennéagramme n’est qu’une cartographie de la personnalité, en stage nous donnons une carte et une boussole aux stagiaires pour qu’il tracent eux-mêmes leur route. Elle n’inclut pas directement l’histoire familiale, culturelle et sociale de la personne, qui compte aux deux-tiers dans son profil de personnalité. L’outil est donc insuffisant pour appréhender les différentes dimensions de la personne et il m’a semblé important de me former à un outil qui permette d’accéder à cette dimension.

Le principe de la psychogénéalogie est que nous héritons d’un passé, dont nous ne connaissons pas toujours les arcanes et auquel nous restons loyaux d’une manière ou d’une autre. En creux ou en plein, pour le meilleur et pour le pire. L’enjeu de la psychogénéalogie est de prendre conscience de ce sac à dos avec lequel nous naissons et d’en tirer ce que nous voulons garder pour faire fructifier un héritage et laissons ce qui ne nous encombre, qui ne nous appartient pas, qui nous entrave. Encore une affaire de liberté. C’est l’approche thérapeutique la plus profonde que je connaisse; je l’intègre en séance individuelle de psychothérapie – notamment pour son accès à l’inconscient, mais pas en stage, dont l’objet n’est pas directement thérapeutique.

Parlons maintenant de la méthode Vittoz, que vous utilisez dans l’accompagnement en psychothérapie ; vous êtes praticienne Vittoz certifiée formée à l’IRDC (Institut de recherche pour le développement cérébral). Qu’est-ce que Vittoz ?

La méthode Vittoz est une approche psychocorporelle dont l’enjeu est d’être capitaine sur son bateau. Son principe est que le cerveau a deux fonctions : une fonction émissive (celle qui nous permet de penser, d’imaginer, d’élaborer mentalement) et une fonction réceptive (les informations qui viennent à nous par les sens: vue, odorat, ouïe, toucher, goût mais aussi proprioception c’est-à-dire les mouvement que nous percevons de notre corps). Un fonctionnement ordinaire, optimal du cerveau alterne ces deux fonctions. « Quand une sensation est juste, la pensée est juste » écrit le docteur Vittoz. Hélas force est de constater que notre société hyper sédentarisée et hyper connectée ne va pas dans ce sens et qu’une émissivité incontrôlée engendre souvent fatigue, anxiété, difficultés de sommeil, stress… qui peuvent aller jusqu’au burn-out ou la dépression. La méthode Vittoz permet de rééduquer l’alternance naturelle émissivité-réceptivité par le biais du corps pour ne plus subir les agressions intérieures et extérieures et gagner en liberté intérieure. Elle est dite intégrative car il n’est pas nécessaire assez rapidement de lui dédier un temps spécifique, mais elle peut s’intégrer dans la vie quotidienne: se laver les mains, marcher en forêt, converser avec vous…

Quels sont les bénéfices de l’approche Vittoz ?

On pourrait distinguer deux bénéfices, qui demeurent étroitement liés. Quelque chose d’un art de vivre et d’une pédagogie qui permettent de vivre ici et maintenant: savoir savourer son café le matin sans déjà se laisser envahir par le torrent des informations, apprendre à écouter le chant des oiseaux, se laisser surprendre par un sourire, de prendre le temps de goûter la vie. Et ce n’est déjà pas mal.

Il y a aussi une dimension psychothérapeutique à la méthode Vittoz. Le corps ne ment jamais selon l’expression d’Alice Miller et s’y reconnecter peut permettre de retrouver des lieux de blocage et s’en libérer. C’est par le corps  que se manifestent les émotions et c’est par lui que peuvent remonter à la conscience certains pans de l’inconscient. Et c’est le corps encore qui donne les moyens de les accueillir, d’oser y demeurer le temps nécessaire à les comprendre et d’y consentir, pour poser des actes et des choix plus libres. Car le but du jeu n’est pas d’atteindre un état de bien-être, béatitude, zénitude illusoire en toutes circonstances, mais d’accueillir qui nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses, et de nous ajuster aux autres et au monde le plus librement possible.

Depuis que vous pratiquez Vittoz dans votre vie, qu’est-ce que cela a changé pour vous ?

Au démarrage, j’ai gagné deux bonnes heures de sommeil. Puis les choses se sont approfondies. J’ai pu prendre conscience des moments où ma tête projetait des scénarii qui n’avaient rien à voir avec le réel ou de ceux où mes émotions étaient sans proportion avec les événements. J’ai pu mettre cela en lien avec mon histoire et tendre à mettre chaque chose à sa juste place. C’est bien sûr un travail qui est toujours en cours avec ses reculs et ses avancées. Cela n’efface pas le passé mais permet de s’enrichir des expériences plutôt que d’y réagir automatiquement. Je crois que le changement fondamental est d’apprendre chaque jour un peu plus à « vouloir ce qui est » selon la très belle expression du docteur Vittoz, c’est-à-dire à accueillir le réel, qu’il soit enthousiasmant (le bleu du ciel, le froid du matin, le rire des enfants) ou difficile (la souffrance d’un proche, une incompréhension relationnelle), sans lutter contre lui mais en nous ajustant librement à lui. C’est un chemin qui n’exclut pas la souffrance mais qui apporte beaucoup de paix intérieure.

Pourriez-vous nous proposer en direct sur ce podcast, un court exercice (scan corporel?) Vittoz ?

Bien sûr ! Je vous propose à vous Solange et aux auditeurs, de faire un petit stop dans notre entretien et de sentir la posture de votre corps ici et maintenant, quelle qu’elle soit. Une pause p.a.u.s.e. par la pose p.o.s.e..
Puis passez du dehors au-dedans, en fermant les yeux c’est souvent plus facile, pour prendre conscience de vos pensées: sont-elles paisibles ou follettes ? Et de votre émotion principale: êtes-vous plutôt dans l’inquiétude, la tristesse d’un souvenir, la colère, la joie ? C’est votre point de départ.
Puis après ce petit état des lieux, vous pouvez lâchez tout cela et sentir très simplement votre respiration telle qu’elle est sans chercher à la modifier: l’air qui entre dans vos narines avec une température, qui parcourt votre corps aux différents niveaux (gorge, poitrine, ventre) et le met en mouvement, et l’air qui ressort peut-être avec une autre température. Puis sentez vos points d’appui au niveau des pieds, des fessiers si vous êtes assis, du dos. Sentez que vous êtes soutenus, portés. Puis portez votre attention sur votre visage, votre cou, vos deux bras, le dos, la poitrine et le ventre qui se soulèvent au gré de votre respiration. Peut-être pouvez-vous demeurer quelques instants au niveau de votre cœur. Puis accueillez votre bassin, vos fessiers et chacune de vos deux jambes, jusqu’aux pieds. Sentez votre corps dans sa globalité, en mouvement par la respiration et soutenu par les points d’appui. Soyez en état de présence à vous-même, simplement.
Puis revenez à votre état. Comment vous sentez-vous à présent? Que se passe-t-il au niveau de vos pensées, des émotions? Qu’est-ce qui a changé, qui s’est transformé? Si un mot venait pour résumer cet état, quel serait-il? Demeurez dans cet état le temps qui est bon pour vous puis vous pourrez passer du dedans au dehors quand ce sera suffisant, pour que nous reprenions l’entretien.

QUESTION COURTE, RÉPONSE COURTE :

Complétez cette phrase : « L’être humain est… »

… à l’image de Dieu. Et toute sa vie consiste à retrouver cette image perdue, comme le décrit le père Barthélémy dans son très beau livre Dieu et son image, jusqu’au dernier jour où, selon l’incroyable parole de saint Jean : « nous serons semblables à lui car nous le verrons tel qu’il est ».

 Le livre que vous lisez en ce moment ?

Guérir son enfant intérieur de Moussa Nabati, le cœur de la thérapie selon moi. On y découvre qu’en chacun de nous sommeille l’enfant que nous avons été et qui demeure très présent. Si nous avons eu une enfance heureuse, sécurisée, affectueuse avec des cadres et des limites, cet enfant est comme notre ange gardien, celui qui nous garde dans l’émerveillement, l’accueil de ce qui est, qui nous fait « voir comme l’enfant au réveil » selon l’expression du docteur Vittoz. Mais si nous avons eu une enfance blanche selon l’expression de l’auteur, c’est-à-dire privée de ce dont un enfant a besoin pour se développer harmonieusement, cet enfant intérieur va devenir comme un fantôme, à la recherche d’une consolation, d’une récupération, d’une compensation extérieures. Pour ces adultes souffrants, dont je reçois certains dans mon cabinet, il y a une espérance de transformer ce fantôme en ange gardien, par un processus d’autonomisation et encore une fois, de liberté.

L’un de vos films préférés ?

Cyrano de Bergerac de Rappeneau. Pour la tendresse, le verbe, la beauté des paysages et des costumes, l’alternance de la gravité et du rire comme dans la vie, le panache et surtout pour cette vulnérabilité qui se cache sous ce colosse brillant et secret qu’incarne de manière magistrale Gérard Depardieu.

Un beau moment en famille avec votre mari et vos cinq enfants ?

Nos enfants sont presque tous de jeunes adultes et les moments que je préfère sont les repas familiaux où les joutes de pensée se transforment en joyeux feux d’artifice dans une grande liberté: tout y passe, actualité politique, pensée philosophique, match de foot, musique pop ou cinéma. Avec ce contrat que deux d’entre eux ont établi : « jamais nos différences ne seront séparatrices ».

Que direz-vous à Dieu quand vous le verrez ?

J’espère que je saurais lui dire : Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon sauveur!

 

de la neuroplascité

DE LA NEUROPLASTICITE
ou le cerveau comme forêt

Un des grands principes vittozien est la neuroplasticité, cette capacité du cerveau à créer de nouveaux circuits, et ainsi de nouvelles habitudes ou, pour employer un vocabulaire aristotélicien, de nouveaux habitus, comme une seconde nature.

La neuroplasticité – ou plasticité neuronale – peut se définir comme la capacité des neurones à se modifier et se remodeler tout au long de la vie. Ces mécanismes contribuent à une adaptation des neurones à un environnement moléculaire, cellulaire et fonctionnel changeant et ainsi à des modifications fonctionnelles. Chaque seconde, notre cerveau se modifie en fonction des expériences affectives, psychiques, cognitives que nous vivons. C’est un processus physiologique d’adaptation du système soumis à l’influence de facteurs environnementaux, génétiques ou épigénétiques.

Ainsi, le cerveau est comme une forêt: si on emprunte plusieurs fois dans le même sentier, un chemin va progressivement se créer. Dans le cerveau de la même manière, les connexions neuronales deviennent de plus en plus efficaces par la répétition et mènent à l’automatisation des processus liés à une certaine tâche et donc à leur exécution plus facile. C’est ainsi que nous apprenons à lire, à conduire, à jouer de la musique etc. Déchiffrage lent, calages intempestifs et gammes interminables deviennent des habitudes intégrées. Selon le même principe, la méthode Vittoz propose  l’expérimentation d’exercices visant à installer de nouvelles habitudes: accueil de l’instant présent, conscience de son état intérieur, ajustement de la volonté aux événements… Véritable rééducation du contrôle cérébral, elle permet, par le biais du corps, de développer une véritable liberté intérieure par le développement de l’attention et de la concentration.

Cependant, si on ne marche pas pendant un certain temps dans les sentiers créés dans la forêt, la végétation reprend sa place. De même, les réseaux de neurones non utilisés finissent par se déconnecter progressivement. C’est pourquoi les neurones doivent être activés à de nombreuses reprises pour se connecter et renforcer leur connexion. La répétition est nécessaire, non seulement au moment de l’apprentissage mais dans la durée. Le cerveau oublie vite les éléments appris s’ils ne sont pas remobilisés régulièrement. Chassez la nature, elle revient au galop, selon l’adage. Les habitudes sont longues à prendre et rapides à perdre…

Mais si les neurones sont activés à plusieurs reprises, ils peuvent consolider leurs inter-relations et favoriser l’acquisition de nouvelles habitudes, jusqu’à générer un habitus, dont le signe selon Aristote, est la plaisir. En Vittoz, le processus est le même: une certaine discipline répétitive – un peu ascétique et qui peut paraître ingrate, est nécessaire dans les premiers temps. Mais la persévérance et la régularité portent rapidement leurs fruits, jusqu’à générer un habitus, dont le signe est… le plaisir. Plaisir de goûter le quotidien, plaisir de vivre ce qui est sans être envahi par la rumination ou la projection, plaisir d’une unité intérieure retrouvée.

Par ailleurs, pour générer de nouveaux circuits neuronaux, il est plus efficace de répartir les temps de pratique sur plusieurs courtes périodes réparties elles-mêmes sur plusieurs jours, plutôt que les concentrer sur une demie-journée voire une journée. Lors des périodes de sommeil, les neurones liés aux expérimentations dans la journée se réactivent, consolidant ainsi les apprentissages. C’est une des raisons pour lesquelles la méthode Vittoz est dite intégrative: plutôt de consacrer 40 minutes par jour à la pratique, il est proposé de l’intégrer à son quotidien: se lever, ouvrir ses volets, se laver les mains, prendre son petit-déjeuner… consciemment. Distillé dans le temps, ces petits actes conscients peuvent transformer une journée et devenir une véritable seconde nature, sans efforts de pratique mais vers lequel le cerveau se porte naturellement pour en avoir reconnu les bienfaits.

Nous voyons qu’ainsi la méthode Vittoz peut se mettre au service d’un certain art de vivre, prévenant le burn out, la dépression, l’insomnie etc. Mais ce n’est pas tout: ce principe s’applique aussi à une dimension thérapeutique. Certains traumatismes anciens génèrent des mécanismes de défenses inconscients, qui enclenchent eux-mêmes des comportements automatiques: c’est plus fort que moi. En rendant ces mécanismes plus conscients par le biais du corps, la méthode Vittoz permet d’activer de nouveaux circuits pour ne plus se défendre contre un passé fantôme et se libérer de ses entraves. Le passé ne sera pas effacé, mais visité, accueilli et mis à sa juste place.

Le processus est bien sûr d’autant plus long que le trauma est ancien, et les circuits ancrés plus profondément. Comme le dit encore Aristote, si la cire du cerveau est molle chez l’enfant et ce qui y est imprimé y laisse une empreinte profonde; celle du cerveau de l’adulte est moins malléable avec le temps. Les nouvelles habitudes intérieures seront donc plus longues à acquérir, mais – sauf en cas de lésions cérébrales irréversibles – la neurogenèse et le dynamisme des connexions sont possibles jusqu’à au moins… 97 ans, selon une étude de mars 2019. Une condition: la motivation.

Le seau: métaphore de la base 2

DE LA JOIE D’ÊTRE UN SEAU
par Anne
de base 2

C est l’ histoire d’ un seau à qui l’on avait dit que la seule importance c’était l’eau.

Alors soucieux que tous ceux qu’il croisait aient de l’eau en abondance, il en distribuait, louches après louches car il en avait à foison.

Il s’indignait même parfois devant de beaux seaux tout brillants qui refusaient parfois de n’en donner ne serait ce qu’une cuillère..

Et plus il en donnait, plus les autres le remerciaient, plus il était heureux.

Et plus il était heureux, plus il débordait.

Il voulait qu’on admire la belle fontaine qu’il était !

Un jour qu’il se sentait plus léger, il se dit: « Je vais pouvoir aller plus vite et plus loin pour donner de l’eau à chacun! »

Mais, en chemin, le seau se trouva tellement léger qu’il s’écroula.

Un mendiant assoiffé lui dit: « Joli seau, qu’as-tu fais de ton eau? »

Ce n’était plus de l’eau qui en jaillissant mais bien des larmes à présent.

Le mendiant l’enlaça, et lui dit: « je vais te réparer, te polir, te rassurer et te remplir. Je n’ai pas de louche comme toi, mais cuillères après cuillères tu te rempliras. »

L’important c’est l’eau, c’est le seau vide et le seau plein, c’est la fontaine, la source et le mendiant.

 

Le coq : métaphore de la base 7

LE COQ

par Léonard
de base 7

Le Chœur: Pourquoi pleures-tu, pauvre Coq? Pourquoi grincer dans l’air du soir?

Le Coq: Personne ne m’écoute, personne ne me guette. Des pires maux l’on m’accable: je suis une girouette.

Le Chœur: Quelle misère on t’a fait! Rien qu’à te voir, notre cœur nous fait mal! Sans plus attendre, ô Coq, déballe!

Le Coq: Du soir au matin, je change d’avis. Et parfois aussi, au cœur même de la nuit! Tantôt à l’ouest, tantôt à l’est. Une fois au sud, et l’autre au nord. Tout m’intéresse! Pourtant, on me dit que je suis fatiguant, et même exaspérant, que le monde a besoin de stabilité, et point de tourbillons. De régularité et pas de feu-follets!

Le Chœur (à part) : D’une injustice bien grande, il a subi l’outrage. Sans plus attendre mes frères allons la réparer!

Le Chœur: Que tu es belle girouette ! Et précieuse qui plus est. C’est pour un usage précis que les dieux t’ont créé. Sans toi, qui saurait d’où vient le vent ?

Les marins te scrutent pour ajuster leurs voiles, les anciens t’observent pour dire le temps qui vient.

Et tu annonces clairement, à qui veut bien l’entendre, ce qui dans l’air du temps, souffle, mais ne se voit pas.

Le Coq : Merci, ô Chœur, pour cette apologie. Et si je change souvent d’avis, c’est par obéissance. Ne mentirais-je pas un peu, si au cyclone je présentais ma queue? Le vent tourne et je n’y suis pour rien.

Épilogue :

Le Coq, tout heureux, remonta au clocher, et tutoie depuis ce jour zéphyrs et alizés.

Communiquer en 5 ?

COMMUNIQUER AVEC UNE PERSONNE DE BASE 5
par Mathilde
de base 5

NB : Les observations suivantes sont faites par rapport à mes attentes. Elles ne seront peut-être pas adaptées à votre interlocuteur qui, d’ailleurs, est le seul à pouvoir indiquer ses besoins.

RAPPEL : Rationnel, la personne de base 5 veut comprendre ce qui l’entoure en analysant et accumulent les connaissances. Il a tendance à s’isoler afin de réduire l’impact du monde extérieur, de se couper d’un excès d’émotions et de sensations pour adopter une position d’observateur. Il s’agit également d’une protection envers ses propres sentiments et désirs. L’objectif est de se protéger de toute intrusion.

COMMUNIQUER

POURQUOI ?

Tous les sujets intéressent la personne de base 5. Évitez simplement de parler de la pluie et du beau temps si vous n’avez d’autre objectif que de meubler la conversation. Elle préférera alors le silence. Elle peut se montrer intarissable pour vous transmettre ses connaissances et vous écouter assidûment parler des vôtres.

Il est également possible d’aborder des sujets beaucoup plus personnels et chargés d’émotions :
– sans aucune difficulté si c’est vous qui vous confiez
– suivant quelques recommandations dans le cas contraire.

NB : Ne le forcez pas à se confier ! C’est inutile ; son silence est redoutable! Vous ne pouvez que lui demander de le faire, l’encourager en précisant les enjeux (mieux le connaître, répondre à ses attentes, comprendre vos différences, chercher la vérité…).

AVEC QUI ?

Une personne de base 5 se laisse difficilement approcher. Elle évitera de prendre des risques: elle ne parlera que s’il peut faire confiance à son interlocuteur.

Quelques qualités à avoir :

– Ne pas être bavard
Ce qu’une personne de base 5 vous a confié à vous, c’est à vous qu’il l’a confié; ne le répétez pas! même si les informations peuvent vous paraître anodines. La Loi du silence est de rigueur; et c’est une loi très exigeante.

Le respect
Ne vous moquez ni de son silence ni de ses confidences. Vous serez parfois surpris par sa réserve (aucun thème n’est vraiment neutre: partager veut forcément dire se livrer, se dévoiler).

La délicatesse
Si une personne de base 5 ne veut rien dire, elle bloquera sa porte et il est inutile de vouloir la forcer: c’est impossible! Une personne de base 5 bloquée est incapable de parler.

MAIS

Son repli n’est pas toujours volontaire, c’est aussi un réflexe. Elle peut donc se retrouver prisonnière de son propre fonctionnement (ne plus savoir comment aller à la rencontre de l’autre). Encouragez-la doucement, rassurez-la! Vous pouvez tout obtenir par la douceur et la délicatesse.

La patience
Une personne de base 5 a besoin de temps pour analyser la situation, trouver les mots justes, s’assurer que vous l’avez bien comprise et gérer ses émotions. Si vous êtes pressé, abstenez-vous et choisissez un moment plus propice ou la conversation est vouée à l’échec. Elle ne vous en voudra pas (au contraire!) si vous lui dites : Ce que tu as à me dire m’intéresse. Je veux pouvoir t’écouter avec attention. Peut-on reprendre cette conversation dans une heure?

QUAND ?

Il n’y a pas tellement d’indication de temps mais il vaut mieux avoir un peu plus de cinq minutes devant vous.

Si c’est vous qui voulez lui parler de quelque chose d’important, évitez de le faire dans un moment de fortes émotions. Une personne de base 5 a des émotions très vives et redoute qu’elles n’explosent. Il a donc besoin de les approcher prudemment, les analyser, les ranger dans son petit cœur, les isoler les unes des autres; il a ainsi l’impression de les maîtriser et les craint moins. S’il y a trop d’informations à traiter en même temps, son cerveau dysfonctionne et c’est la panique!

Ce processus sera plus rapide si vous lui laisser quelques instants de répit sans parler ou en lui disant de petits mots gentils : Ne t’inquiète pas / Tout va bien se passer / Je suis là… Si elle n’y voit pas d’inconvénient, vous pouvez accompagner vos paroles de caresses ou gestes tendres. Le simple fait de lui poser une main sur l’épaule l’aidera à rester ancrer dans le réel, les sensations physiques, ce qui est très bénéfique en cas de tension.

Même si vous avez déjà la réponse à cette question, vous pouvez ensuite lui demander ce qui se passe. Cela lui permettra de formuler ses émotions. Vous pourrez alors transmettre votre propre ressenti. Elle sera sensible à la confiance que vous lui portez et sera rassurée: si vous vous confiez c’est que vous acceptez de vous montrer vulnérable et qu’elle peut faire de même.