ARISTOTE
Un archétype de la base 9 en social*
Aristote est né en 384 avant Jésus-Christ dans la ville de Stagire, dans la péninsule Chalcidique au nord de la Grèce, d’où son surnom de Stagirite. Il est un des fondateurs de l’éthique et de la philosophie politique après son maître Platon. Il nous est notamment précieux car il a écrit avec l’Éthique à Eudème, un traité d’éthique des caractères qui montre notamment que selon son tempérament, nous n’avons pas les mêmes actes à poser ni donc les mêmes vertus à développer, ce que nous transmettons avec l’ennéagramme.
Il est aussi précieux pour sa conception de la vertu que l’on peut lire dans l’Ethique à Nicomaque. La vertu pour Aristote est le juste milieu entre deux contraires, un excès de passion et un défaut de passion. Le courage est ainsi une médiété entre l’excès et porte le nom de témérité et le défaut qui porte le nom de lâcheté. Cette vision du juste milieu, d’un ni trop ni pas assez, fait de la vertu non pas une compétition (comme pourrait le penser une personne de base 3), mais un ajustement à une situation donnée. On pourrait dire que pour lui, toute vertu porte en elle, une action juste… la vertu de la base 9!
De base 9, Aristote? On n’a guère que son œuvre restante pour essayer de le monter. Mais quand on songe à sa vision politique, on est frappé par le fait que le mot clef est l’amitié. Pour Aristote l’amitié, ou philia, assure la cohésion de la cité dont le but est avant tout la concorde et la paix. « L’amitié semble aussi constituer le lien des cités, et les législateurs paraissent y attacher un plus grand prix qu’à la justice même: en effet, la concorde, qui paraît bien être un sentiment voisin de l’amitié, est ce que recherchent avant tout les législateurs, alors que l’esprit de faction, qui est son ennemie, est ce qu’ils pourchassent avec le plus d’énergie. Et quand les hommes sont amis, ils n’ont pas besoin de justice, mais lorsqu’ils sont justes, ils ont en outre besoin d’amitié, et la plus haute expression de la justice est, dans l’opinion générale, de la nature de l’amitié. » (Ethique à Nicomaque, VIII, 1, 1155a 22-28). L’amitié est fondamentale en ce qu’elle diminue l’attachement des hommes à leurs intérêts privés et donc elle limite les risques de conflit. Dans notre langage contemporain on pourrait dire que l’amitié crée du commun et de l’harmonie.
On sait qu’Aristote a osé cette définition de l’homme comme un animal politique, c’est-à-dire un homme qui ne vit pas sans les autres. Pas par altruisme comme une personne de base 2, mais par un sens de ce qui unit. Contrairement à la pensée moderne où l’homme crée la société pour se protéger (motivation de la base 6) ou pour maximiser ses intérêts (motivation de la base 7) ou par souci d’efficacité (motivation de la base 3); pour Aristote, les hommes essaient de vivre ensemble même lorsqu’ils n’ont aucun besoin d’aide mutuelle (Politique III, 6, 13278b 19). Il est dans leur nature d’être rassemblés, dans le couple (tête-à-tête), le village (survie) ou la cité (social). Mais c’est dans le cadre de la cité que l’homme réalise son être, ce qui fait penser à un 9 en sous-type social.
On trouve aussi quelque chose de très 9 dans sa théorie des régimes politiques.
Petit préambule de philosophie politique pour comprendre ce qui va suivre. Pour Aristote, les régimes politiques sont classés de la sorte au chapitre VII de la Politique selon le nombre des gouvernants: soit une personne, soit un petit nombre, soit un grand nombre. Et il y a deux buts possibles: un but louable, le bien commun de la cité; un but perverti, où le ou les gouvernants recherchent leur avantage particulier. Cela fait donc six régimes possibles. Trois sont des formes correctes de gouvernement: royauté, aristocratie et politeia ou république. Trois sont des formes perverses ou dégradées: la tyrannie, l’oligarchie et la démocratie.
Mais quel est le meilleur régime, question que les Grecs aiment tant? Et bien depuis des siècles on a des lectures très différentes d’Aristote. Certains l’ont vu favorable à la monarchie, d’autres à la république ou même à la démocratie. C’est compréhensible, car Aristote peut laisser penser les deux, comme s’il ne voulait pas trancher définitivement. Mais on peut dire en suivant Pierre Aubenque, un de ses commentateurs récents les plus autorisés, qu’en théorie le meilleur régime est la monarchie, mais qu’en pratique, ce monarque gouvernant pour le bien commun est introuvable (Politique, III, 15)! Voilà une manière pacifique de contredire son maître Platon sans en avoir l’air, comme par résistance passive… Et plus loin (Politique, IV, 2) Aristote dit que la démocratie est la déviation du meilleur gouvernement qui est la moins distante de son correspondant correct, parce que le peuple est moins corruptible que quelques-uns ou un seul, parce que les intérêts contradictoires s’équilibrent en se neutralisant, et donc la démocratie devient alors le plus modéré des mauvais gouvernements, et que sa forme non corrompue, la république, est la plus souhaitable dans les faits. Comme l’a montré Aubenque, Aristote est au fond pour ces régimes médians que sont la politeia et la démocratie, au détriment de ceux qui vont plus loin, jusqu’à l’extrême, dans le bon ou le mauvais, dans une logique qui rejoint celle de la vertu comme juste milieu. On peut aussi dire que la préférence, pas toujours affirmée frontalement par Aristote, pour la politeia et la démocratie est cohérente avec cette amitié politique qui semble se conformer facilement gouvernement du plus grand nombre du fait de l’implication d’un plus grand nombre de citoyens et donc d’une plus grande harmonie.
Un autre indice important est que Aristote définit au départ la politeia comme un mélange d’oligarchie et de démocratie. Au fond la politeia est le juste milieu entre deux corruptions, une médiété entre deux extrêmes. Elle met fin au conflit entre les riches et les pauvres. Il y a chez Aristote une forme de modération. La grandeur et le sublime sont évacués au profit de l’harmonie et du moindre risque, de la prudence et la pacification (on a ici des mots qui résonnent en base 9 et… en base 6, flèche de la base 9).
Dernier indice, après la mort d’Alexandre et la révolte des cités grecques contre l’hégémonie macédonienne, Aristote doit quitter Athènes et meurt peu après. Il semble qu’il n’ait pas voulu créer un conflit aussi majeur que celui qui a provoqué le jugement de Socrate et a préféré se retirer…
* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son œuvre.