LE PONT DES ESPIONS
Un flim de Steven Spielberg, 2015
Un archétype de base 9*
Par François
Faisons-nous plaisir! Le Pont des espions est sans aucun doute un des meilleurs films de Spielberg qui renoue ici avec le grand cinéma classique américain. Pas académique comme dans Lincoln ou La Liste de Schindler (deux bons films au demeurant), mais simplement classique, donc éternel. Un film idéal pour les vacances de Noël!
C’est l’histoire d’un avocat américain, James Donovan, qui se trouve commis d’office pour défendre un espion russe afin qu’il puisse bénéficier d’un procès équitable. Mais il se prend au jeu, défend son client avec ténacité et se voit proposer de jouer le Monsieur bons offices dans l’échange de son ex-client avec un pilote américain capturé par les soviétiques.
Tom Hanks qui joue l’avocat incarne à merveille, me semble-t-il, la base 9 dans ce qu’elle a de plus beau. Etre commis d’office est une habitude chez les personnes de base 9, qui ont du mal à faire des choix et à prendre position, mais qui savent mieux que personne se mettre à la place de l’autre. On sent à chaque instant l’énergie corporelle qui culmine dans un des derniers plans du film lorsque Hanks est sur le pont dans la position vittozienne de l’homme debout, ancré au sol, comme insubmersible.
Avec son client, Donovan fait preuve d’une empathie sans pareil. Face à ce petit homme sans goût ni grâce, il est là, présent, et finit par attirer sa sympathie. Au cœur d’une affaire d’espionnage tendue et parfois violente, Donovan/Hanks traîne sa grande carcasse paisible en apportant autour de lui une énergie de sérénité qui tranche avec un entourage anxieux et électrique.
Dans les moments difficiles de la négociation, il n’entre jamais dans le conflit, garde une rondeur qui finit par déstabiliser ses interlocuteurs. Car c’est une des armes secrètes de la base 9 que déploie avec virtuosité Donovan: face à son chef au cabinet d’avocat, à la CIA, aux interlocuteurs communistes, il ne lâche rien. Je ne dévoilerai rien du film, mais je dirai seulement que rien ne l’arrête et qu’il continue sur sa lancée quoiqu’il arrive. Il est absolument sourd aux contradictions et comme il a une sacro-sainte horreur du conflit, il fait comme s’il n’entendait pas.
La tactique est royale ici, mais cette forme de résistance passive peut en d’autres cas jouer des tours aux personnes de base 9, quand l’immobilisme génère chez le protagoniste l’explosion qu’il voulait surtout éviter et le conflit qu’il cherchait absolument à contenir…
Ce qui est magnifique dans ce film d’un point de vue ennéagrammique est que Donovan réalise l’action juste, cette vertu de la base 9. Ce qui pourrait apparaître chez les personnes de base 9 comme une certaine paresse dans l’action peut s’enraciner dans un laisser faire et conduire dans le meilleur des cas à poser la bonne action au bon moment, au bon endroit. C’est le cas ici: au lieu de défendre son client pour que les usages démocratiques soient saufs, il prend sa mission à cœur et la porte à son terme: sauver littéralement son client. Au lieu de se satisfaire de l’échange demandé par la CIA, il va viser plus, et faire ce que personne ne croit possible. Mais il va le faire à la 9: à son rythme, plutôt lentement, comme un diesel que rien n’arrête.
Et puis, comme beaucoup de personnes de base 9 qui hésitent en stage avec la base 7, il manie volontiers l’humour. Ce qui permet de différencier l’un de l’autre, c’est la motivation profonde, la raison pour laquelle l’un comme l’autre peut lancer de petites blagues à tout bout de champ. En base 7, l’humour est un facteur de plaisir pour soi et pour les autres, qui lui permet de désamorcer sa peur de l’enfermement ou de la contrainte. En base 9, l’humour est une arme de pacification, elle permet de détendre les atmosphères, participe à l’harmonie et, au final, évite à tous prix, le conflit.
* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre.